Le temps, la ville et l’urbaniste

24 février 2012

Un contentieux constitutionnel plus démocratique : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Publié par alias dans Droit public & pénal

Dans un précédent article intitulé « Le monde judiciaire face aux politiques« , si j’ai pu aborder les insuffisances ou limites du Conseil constitutionnel en tant que juge électoral dans l’affaire des faux électeurs du Ve arrondissement, je vais à présent traiter d’un toute autre attribution que le contentieux électoral, à savoir l’exercice du contentieux constitutionnel.

Créé il y a 50 ans, le Conseil constitutionnel a pour habitude d’exercer le contrôle de conformité constitutionnelle des lois avant leurs promulgations. Cette autorité peut être saisie par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat et depuis 1974, par 60 députés ou 60 sénateurs. Elle peut d’office soulever certaines questions de conformité à la Constitution de la loi qui lui a été déférée, y compris sur des dispositions que les auteurs de la saisine n’ont pas expressément contestées. Une fois la loi promulguée, elle n’exerçait de nouveau son contrôle que si une loi nouvelle venait à la modifier, la compléter ou en affecter le domaine.

De ce fait, il arrivait que des lois ordinaires (et non organiques pour lesquelles le contrôle est obligatoire / les lois référendaires ne font toujours pas l’objet d’un contrôle) échappaient à son contrôle. Par exemple, la loi du 18 novembre 2005 prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence ne fut pas déférée devant le Conseil Constitutionnel. Il en va de même des lois non modifiées prises avant 1958 (loi sur la presse de 1881). Et en cas de contentieux, le juge administratif, n’étant pas compétent pour contrôler la loi par voie d’exception d’inconstitutionnalité, ne pouvait annuler un acte au motif que la loi sur laquelle celui-ci était fondé n’était pas conforme à la Constitution (CE, 6 novembre 1936, Arrighi). Celui-ci exerce cependant un contrôle de conventionnalité des lois en écartant l’application d’une loi contraire aux engagements internationaux (ex : contrat nouvelle embauche contraire à l’OIT).

Or, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (article 61-1 de la loi de modernisation des institutions portant sur l’instauration de l’exception d’inconstitutionnalité) permit de réaliser une grande avancée en la matière, en rendant le recours indirect du citoyen désormais possible a posteriori.

En effet, la voie dite de l’exception permet désormais à tout justiciable d’invoquer devant le juge qu’il a saisi, la non-conformité d’une disposition législative ordinaire aux droits et libertés que garantit la Constitution. Le Conseil peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat (administratif) ou de la Cour de Cassation (judiciaire). Cela change la donne car le contrôle ne se fait plus qu’à priori mais peut se faire aussi a posteriori. Bien sûr, il était toujours possible d’aller plus loin. Ainsi, François Mitterrand en 1989, ainsi que le rapport Vedel de 1993 sur la réforme des institutions, n’ont-ils pas proposé la saisine directe du Conseil Constitutionnel par les citoyens, comme cela se pratique en Allemagne ou aux USA, avant de se heurter au refus de la chambre haute. (Lire la suite…)

7 février 2012

Les partenariats public privé institutionnalisés

Publié par alias dans Economie & clusters

Les sociétés publiques locales, les sociétés d’économie mixte et les sociétés locales de partenariat sont des sociétés anonymes de droit privé. Elles ne peuvent choisir leur champ de compétences et doivent répondre aux exigences des collectivités. Elles exercent des activités industrielles et commerciales ou d’intérêt général, ce qui n’en ferrait pas une grande menace pour le champ concurrentiel, mais ce point de vue ne semble pas partagé par tous. 

Du fait de la raréfaction des ressources financières, le Président de la FEPL estime que les collectivités auraient plutôt tendance à créer des sociétés publiques locales, si et seulement si, le marché est défaillant. Il estime aussi que dans une économie ultra financiarisée, l’argent doit servir l’intérêt général. Il se montre donc favorable au partenariat public privé institutionnalisé. Le choix pour telle ou telle type de société anonyme dépend du risque et du partage du risque. 

La commission européenne a été saisie d’un recours contre la loi du 24 mai 2010 créant les SPL par le Medef, lequel ne critiquerait pas son existence, mais estimerait son emploi trop excessif.  Rappelons simplement qu’en 2006, le Conseil d’Etat avait retenu comme critères justifiant l’intervention publique, l’intérêt général et le respect des règles de la concurrence, abandonnant celui lié à la carence de l’initiative privée. Toutefois, la participation d’un trop grand nombre de collectivités soulèverait l’effectivité d’un « contrôle analogue » et donc le recours au « in house ».

Rappel de base : 

- Les SPL/SPLA (société publique locale/d’aménagement) sont détenues entièrement par les collectivités ; le secteur privé n’en faisant pas partie. 

- Les SEM (société d’économie mixte) sont détenues majoritairement par le secteur public (de 51 à 85% du capital) ; le secteur privé étant minoritaire. 

- Les SLP (société locale de partenariat), en débat, seraient détenues majoritairement par le secteur privé (de 51% à 61% du capital) ; le secteur public serait minoritaire. 

Ce schéma est théorique car il arrive que les SEM soient entièrement publiques : La Caisse des dépôts et de consignations masquent souvent des acteurs publics, la SEM sert alors d’outil de déconsolidation de la dette ou permet de camoufler des prises de participation. Lorsque des SEM se transforment subitement en SPLA, cela signifie que le privé était relativement fictif. A contrario, il existe d’anciennes SEM, dites SEM Poincaré ou SEM inversées, où les capitaux privés sont largement majoritaires.  (Lire la suite…)

24 janvier 2012

Droit de pétition et référendum local décisionnel

Publié par alias dans Réforme territoriale

La démocratie se conçoit comme la participation des citoyens à l’élaboration des décisions les concernant. L’article 3 de la Constitution de 1958 conjugue souveraineté nationale et populaire : La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Si les institutions anglaises et américaines ont fait le choix d’exclure ou de limiter fortement le recours au référendum, le système politique français est plus longtemps resté hésitant.

En effet, les pratiques bonapartistes discréditeront la notion de démocratie directe auprès des républicains de la IIIe République, lesquels seront à la longue convaincus que seule la démocratie représentative est fiable et protège les excès. L’ambiguïté entre les deux facettes du référendum, consultation sur un projet ou question de confiance, créé une confusion sur la signification du vote, renforcée par les velléités publicitaires. De fait, la valeur du référendum dépend essentiellement du degré de maturité politique des élus et des électeurs.

A compter du milieu du XXe s, pour faire face à une crise de la représentativité, la mise en œuvre de l’outil référendaire sera la plupart du temps décidée par l’Exécutif, parfois par le Parlement (Royaume-Uni, Danemark et Irlande), voire par les citoyens eux-mêmes (Suisse et Italie). On distingue alors le veto, l’initiative populaire, le référendum abrogatif, l’acceptation, la consultation…Il porte sur des révisions constitutionnelles et la ratification des traités en France ainsi que sur des questions de société ailleurs (divorce en Italie, énergie nucléaire en Suède). Le référendum local, longtemps resté purement consultatif, est de ce fait, peu utilisé.

La loi Marcellin du 16 juillet 1971 – laquelle fut un échec – prévoyait un référendum décisionnel pour les fusions de communes, mais il faudra attendre la loi ATR du 6 février 1992 pour que la consultation d’initiative municipale se voit conférer une valeur juridique, bien que non décisionnelle (exception faite des accords de Nouméa en Nouvelle-Calédonie en 1998). La LOADT du 4 février 1995 apporta deux innovations : l’extension de la consultation au périmètre des intercommunalités et l’introduction de l’initiative populaire en donnant à un cinquième des électeurs le droit de demander au conseil municipal d’organiser une consultation sur une opération d’aménagement relevant de sa compétence.  Ce droit de pétition n’est ouvert qu’aux électeurs des communes et EPCI concernés (à la différence du droit de pétition au niveau national, pour lequel aucune condition personnelle n’est requise, si bien qu’un étranger, un mineur ou un détenu déchu de ses droits civiques sont recevables).

Le recours au référendum local sera considérablement élargi avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 : consultation des électeurs en cas de création d’une collectivité ; droit de pétition permettant à 1/5e des électeurs d’obtenir l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée locale d’une question relevant de sa compétence (art 72-1 de la Constitution) ; référendum décisionnel à l’initiative des assemblées délibérantes. Toutefois, les EPCI sont exclus de ce procédé référendaire (comme ils ne sont pas concernés par les règles sur le cumul des mandats).

Ainsi, la loi organique du 1er août 2003 et la loi du 13 août 2004 (décret du 6 décembre 2005)  préciseront les conditions d’utilisation du référendum local : Le projet de texte est considéré adopté à la majorité des voix et si au moins la moitié des électeurs inscrits ont participé au vote. « C’est un texte d’affichage, un texte minimal aux conséquences minimales » ironisera Jean-Pierre Sueur. De plus, aucun référendum local, pris sur le fondement du dernier alinéa de l’article 72-1, de l’article 72-4 et du dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution, ne peut être organisé sur des consultations organisées dans son ressort, pendant la campagne prévue pour le renouvellement général des Députés et l’élection du Président de la République. (Lire la suite…)

24 janvier 2012

De l’intérêt à agir dans le contentieux pour annulation

Publié par alias dans Droit public & pénal

Le recours pour excès de pouvoir n’est pas un recours ouvert à tout un chacun. Il faut que le demandeur puisse justifier que l’acte attaqué lui « fait grief », qu’il y ait un « intérêt » à en demander l’annulation.

Les élus, nationaux et locaux, ne tirent pas de leur qualité un intérêt leur permettant de contester des décisions réglementaires qui ne les atteignent pas directement (CE, 27 février 1987, Noir ; CE, 5 juillet 2000, Tête).

Toutefois, il est admis que les membres des Conseils élus ont intérêt à attaquer les délibérations émanant de ces organismes, et ce, pour quelque motif que ce soit, ainsi pour les conseillers généraux (CE, 23 déc.1988, Département du Tarn C/Barbut) ou municipaux.

La section contentieuse du Conseil d’Etat pourrait tout aussi bien considérer les élus nationaux et locaux comme incarnant la République, une et indivisible… ?!…et ainsi leur accorder un intérêt à agir contre les actes réglementaires…

22 janvier 2012

Association transparente et inéligibilité : le cas Eric Woerth

Publié par alias dans Droit public & pénal

L’ « Association de développement économique de l’Oise » doit être regardée en dépit de sa forme juridique comme ayant la nature d’un service du Conseil général. En conséquence, bien que se déclarant non fonctionnaire, son Directeur Général, Eric Woerth, en se présentant aux élections municipales de Chantilly, tomba sous le coup de l’inéligibilité.

Considérant qu’aux termes de l’article L.231 du code électoral dans sa rédaction résultant de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988 : « Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois … 8° les membres du cabinet du président du conseil général et du président du conseil régional, les directeurs généraux, les directeurs, directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de conseil général et de conseil régional » ; Considérant qu’à la date de son élection en qualité de conseiller municipal de Chantilly, M.Woerth exerçait les fonctions de directeur général de l’ « Association de développement économique de l’Oise » ; qu’il résulte de l’instruction que cette association, fondée par le conseil général de l’Oise, a pour mission de coordonner sous le contrôle du conseil général et pour le compte du département l’ensemble des interventions économiques de cette collectivité ; que le président du conseil général est, de droit, le président de ladite association, dont le conseil d’administration et le bureau sont composés en très grande majorité de membres du conseil général et dont le financement est assuré, pour la quasi-totalité, par des subventions départementales ; qu’ainsi cet organisme doit être regardé en dépit de sa forme juridique comme ayant la nature d’un service du conseil général ; que son directeur général, nommé par le président du conseil général, président de l’association tombe, par conséquent, sous le coup de l’inéligibilité édictée par les dispositions précitées du code électoral ; que, dès lors et même si, comme il le fait valoir, il n’était pas un « fonctionnaire » du département, M. Woerth ne pouvait être élu au conseil municipal de Chantilly.

CE, sect., 26 janvier 1990, Elections municipales de Chantilly.

Chabanol, D., La pratique du contentieux administratif, Litec, 2007. p.12.

15 janvier 2012

J.Edgar Hoover

Publié par alias dans Administration
http://www.dailymotion.com/video/xluhig
15 janvier 2012

Les collectivités territoriales peuvent-elles financer des entreprises en difficulté ?

Publié par alias dans Economie & clusters

Les périodes de crise ont toujours été favorables à un regain d’investissement public, souvent accompagné d’une redistribution des cartes.  Si l’Etat respectueux d’un certain libéralisme a peu à peu cédé du terrain à des collectivités locales désireuses d’intervenir plus largement, les collectivités sont-elles également appelées à se substituer  à un secteur privé défaillant et à un secteur bancaire dérégulé ? Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent-elles accorder une subvention à une entreprise en dépôt de bilan afin de financer ses charges de fonctionnement en attendant un repreneur éventuel ? Ont-elles le droit de contribuer au soutien des entreprises en difficulté en y injectant des fonds propres ?

L’attribution des aides publiques reste fortement encadrée, d’une part par la Commission européenne et la CJCE, laquelle n’autorise l’intervention du secteur public dans le champ concurrentiel qu’en cas de circonstances exceptionnelles, voire dans une certaine optique (traité de Lisbonne) – et d’autre part, par la loi du 13 août 2004, laquelle départage les compétences des collectivités territoriales en la matière. Depuis 2004, la distinction entre aides directes (subventions, prêts…) et aides indirectes (zones  d’aménagement concerté, voirie…) a été supprimée et trois nouveaux régimes d’aides institués :

Les aides aux entreprises en difficulté sont désormais réservées aux Régions et Départements ; les communes et leurs groupements étant en principe seulement consultées. Une commune ou une intercommunalité ne sont pas compétentes pour accorder une subvention/avance à une entreprise en dépôt de bilan en attendant un repreneur éventuel (aides aux entreprises en difficulté), ayant par contre pour compétence le développement économique (aide à la création ou à l’extension d’activité). La nuance est subtile mais elle s’inscrit dans l’histoire : le législateur et les CRC ont de longue date cherché à renforcer l’échelle régionale, considérant l’action communale et la multiplication des intervenants comme non pertinentes. (Lire la suite…)

27 décembre 2011

Papy blues génération

Publié par alias dans Questions sociales

Dans son ouvrage « Les classes moyennes à la dérive » paru dans la collection « la République des idées » de Pierre Rosanvallon, l’auteur Louis Chauvel semble cultiver un certain pessimisme comme pour mieux faire passer un propos foncièrement alarmiste. Le sociologue redoute la montée en puissance d’un individualisme solitaire des classes aisées, lequel prendrait le pas sur l’individualisme solidaire des classes moyennes déclinantes. Il déclare s’inscrire dans la lignée des travaux de Manuel Todd.

La première partie de son livre consiste à définir les classes moyennes inférieures, intermédiaires et supérieures, à partir de la notion de capital économique puis de capital culturel ; sachant qu’en 2005, 75% des Français avaient le sentiment d’appartenir aux classes moyennes. Il épinglera au passage Bourdieu et Passeron, lesquels écriront « La Reproduction au moment même où se développe un fort courant de mobilité sociale ascendante qui nuance nettement leur modèle de reproduction (1970) » ainsi que Mendras, lequel défendra « son modèle de moyennisation alors même que les classes moyennes ont déjà amorcé leur déclin (1988)».

Selon l’Insee, de 1984 à 2003, du point de vue du revenu après redistributions et hors revenu implicite ou explicite de la propriété, il n’existe pas en France de croissance des inégalités économiques. Tout au plus, faut-il noter une croissance du décile supérieur – correspondant aux 10% les plus aisés – et du décile inférieur – le dixième le plus pauvre – tandis que la médiane (le niveau de revenu qui sépare en deux parties égales la population entre une moitié plus riche et une moitié plus pauvre) stagne. « Autrement dit, cela fait vingt ans qu’en France il ne se passe plus rien sur le front des inégalités analysées à leur niveau le plus global ». 

La foi dans le progrès – traduit par le produit intérieur brut – ne serait plus crédible, entraînant dans la foulée une forme de désenchantement. A ce stade, je me demande si l’auteur ne s’attache pas lui-même à un modèle de développement qui me semble plutôt dépassé. Pour regretter un ancien modèle, ne faut-il pas l’avoir vécu ? Selon l’auteur, voilà trois décennies que la société française regrette un paradis perdu, ne sachant comment appréhender une société de la post-abondance, un monde rempli d’incertitude, une société où les inégalités seraient devenues aléatoires et les comportements opportunistes. Les classes moyennes qui incarnaient la confiance seraient à présent remplies d’angoisse et la diffuseraient à tout va…

Les principales victimes seraient les trentenaires ; les généreuses redistributions des familles à leur progéniture permettaient d’acheter la paix sociale. « Mais la société fondée sur la mendicité familiale doit s’attendre à faire face, tôt ou tard, à une impasse civilisationnelle. ». Souhaite-t-il nous mettre en garde face à une éventuelle révolte d’une génération gâchée ? C’est alors que tout s’éclaire « C’est en réalité lorsque les seniors des classes moyennes prennent conscience du sort de leur progéniture, que l’échec même d’une vie de croyance dans le progrès risque de déstabiliser durablement les représentations politiques ».

Nous serions donc confrontés à une sorte de papy blues. Les sexagénaires ayant vanté les mérites de l’individualisme intégré (au sens de moral, non utilitaire) seraient donc anxieux et angoissés ! Plongés dans une société de plus en plus complexe, ils assistent non seulement « à la chute d’un projet porté par les classes moyennes, mais aussi à leur incapacité croissante à convaincre les autres classes que la direction qui est la leur est aussi le sens de l’histoire pour les autres catégories ». Le pire serait pour les catégories situées en dessous d’elles, dès lors qu’elles ont adopté le système de représentations de l’individualisme radical élaboré par les groupes intermédiaires sans recevoir pour autant les moyens qui allaient avec.

Quels sont les risques ? Les candidats politiques de la classe moyenne pourraient bien chuter au profit de ceux qui choisiraient des approches plus typiquement populistes. Et si la France reste marquée par des classes moyennes intermédiaires dont le rapport au politique est une caractéristique centrale, prédominant en comparaison avec leur rapport à l’ordre économique, les classes moyennes supérieures pourraient prendre le dessus. Les classes moyennes pourraient subir « une marginalisation générale par rapport à d’autres groupes sociaux comme la nouvelle aristocratie patrimoniale qui semble pouvoir émerger », avec une forme d’argentinisation du système bien loin du modèle suédois.

Comment palier à une telle dyssocialisation ? « Il semble avant tout que les classes moyennes ne conserveront leur statut que si elles se montrent indispensables dans l’ordre économique : la discussion sur la place du travail sera essentielle ». Elles ne survivront qu’à condition de rétablir  « le savoir », avec une revalorisation de titres scolaires, tout en évitant de promouvoir des cursus hyper spécialisés mais ceux alliant sciences molles et sciences dures. « Il faudrait aussi pouvoir rediscuter de la hiérarchie des valeurs, de l’égalitarisme, de la place du mérite et des conceptions de liberté, des progrès concrets (…) en s’intéressant aux réalités vécues ».

Chauvel L., Les classes moyennes à la dérive, Le Seuil, 2006.

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Pour aller plus loin :

E.Suleiman, Les ressorts cachés de la réussite française, Paris, Seuil, 1995.

24 décembre 2011

L’histoire de notre temps

Publié par alias dans Administration

Il est toujours hasardeux de réduire les propos historiques, d’autant que les causes événementielles sont souvent multiples, aussi inviterai-je le lecteur à lire les ouvrages de René Rémond consacrés à l’histoire de notre temps. Etonnamment et à plusieurs reprises, l’auteur semble prendre parti pour le modèle anglo-saxon qu’il nous ferait presque apprécier : Le réformisme serait plus souhaitable que les révolutions, définies comme plurielles. Il évoquera les phases de transitions monarchiques, libérales, démocratiques puis socialistes, chacune d’entre elles étant prises en étau par les mouvements qui les précédent et succèdent.

Son propos s’ouvre sur une leçon de géopolitique : le passage d’un monde fragmenté et cloisonné à un monde qui présente une unité relative est une des lignes de l’évolution de l’histoire. Sous l’ancien régime, la mer met en relation beaucoup plus que la terre ;  l’homme est alors plus loin de l’homme qu’aujourd’hui. Le continent oppose souvent un obstacle à peu près insurmontable alors que les mers mettent en communication les rivages opposés. Il y a les sociétés maritimes, lesquelles ont pris une avance considérable, et les sociétés continentales presque exclusivement terriennes, où l’économie est tout agraire. Ainsi, à l’ouest, on trouve donc une bourgeoisie importante qui n’a pas son équivalent à l’est.

L’absence de bourgeoisie à l’est aura des conséquences sur l’économie et sur les gouvernements, le pouvoir suscite l’industrie, l’interventionnisme étatique est une des caractéristiques du despotisme éclairé, une version sécularisée de la monarchie absolue. Du fait d’une économie arriérée, de l’absence de capitaux, de pas ou peu de bourgeoisie, d’une instruction encore restreinte, les pratiques interventionnistes fondent déjà une tradition autoritaire qui se perpétuera jusqu’au XXe siècle. En France, l’Etat est obligé de se substituer à une bourgeoisie plus avide de considération que de profit. L’ordre se définit par le statut, aussi parle-t-on aussi bien d’ordre ou d’état. L’ancien régime part de la reconnaissance de la diversité et la consacre juridiquement. Sans administration, il n’y aurait pas eu de monarchie absolue, celle-ci se donne une forme moderne, la plus rationnelle et la plus efficace.

La révolution a commencé par une révolte des privilégiés, avant d’être la révolte du tiers contre la société privilégiée. La collusion qui s’affiche entre le pouvoir royal et les privilégiés rejettera la bourgeoisie dans l’opposition révolutionnaire. On en vient à se demander si la monarchie n’a pas péri d’un excès de faiblesse que d’autorité, celle de ne pas avoir pu imposer aux privilégiés le respect de l’intérêt général. S’opère alors progressivement un  revirement : une alliance entre la monarchie absolue, centralisatrice, et la bourgeoisie, dont le rôle économique s’accroît, contre les privilèges de la noblesse. Ainsi l’évolution politique et économique condamne-t-elle à terme les veilles distinction en ordres. Et le nationalisme serait un sentiment plutôt de gauche lié aux forces populaires et à l’œuvre de la révolution. Le libéralisme, en imposant la continuité du travail sans possibilité de pratiquer les commandements religieux – à la différence de l’ancien régime -, contribuera à la déchristianisation.

C’est alors seulement que commence ce que Valéry a appelé le temps du monde fini. Le total achèvement de la découverte du monde est un des éléments qui concourent à l’exaspération des rivalités entre les nations et à la naissance de l’impérialisme. L’affirmation que le bonheur est un droit de l’individu et une responsabilité de l’Etat étend à l’infini le domaine des attributions publiques. Le déficit budgétaire a assurément joué un rôle puisqu’il fut à l’origine de la convocation des Etats généraux. On a souvent imputé la crise à l’application du traité de libre-échange Eden signé en 1786 entre la France et l’Angleterre. La révolution ne fait que prolonger directement l’œuvre étatique et centralisatrice des souverains absolus.

Il n’est pas question de faire du budget l’instrument d’une redistribution des revenus ni de retirer aux uns pour donner à ceux qui ont moins. Tout au long du XIXe s, la masse globale des dépenses indispensables est allée sans cesse croissante puisque l’Etat reprend à son compte des attributions qui incombaient à l’initiative privée ou qu’il laissait à la charge des collectivités locales (réseau routier). L’instruction représente un poste comportant du budget, mais c’est surtout la paix armée qui accroît démesurément le budget de la défense nationale. En France, l’impôt sur le revenu se heurta à de très vives résistances, mais la nécessité de financer l’effort de guerre obligea le Parlement à l’adopter en 1917. Ce qui fait dire à l’auteur que « sans la première guerre mondiale, la France aurait peut être attendu 1936 ou 1945 pour adopter l’impôt sur le revenu ».

Rémond R., Introduction à l’histoire de notre temps, tomes 1 et  2, Points Histoire, 1974.

29 novembre 2011

Les emprunts toxiques ou le « tout bénéf. » du Garde des Sceaux

Publié par alias dans Finances & fiscalité

Les 2e rencontres nationales « risques et secteurs publics » avaient pour objet de mettre en garde les élus face aux risques financiers. Selon la DGCL, le risque ne porte pas tant sur un défaut de paiement mais sur un stress financier, exacerbé en cas d’aléas ou de désactivation des sécurités internes et contournement des sécurités externes, faits au demeurant très rares, mais c’était sans compter sur les propos tenus par Michel Mercier devant l’AMF, l’AMGVF, le SNDG, les CRC, la CDC, l’ENA, la CNFPT, la DGCL ce 14 mai 2009…

Chacun put constater, à l’exception de Michel Mercier, à la fois une crise de liquidité (besoin d’un interventionnisme pour assurer le crédit interbancaire) et une crise d’information (besoin de réglementation des produits indexés en évitant les produits exotiques). L’AMF s’était alors prononcée pour l’aménagement d’un code de bonne conduite, lequel intégrerait un classement des différentes catégories d’emprunts selon les risques et renforcerait l’information.

Michel Mercier, Président du Conseil Général du Rhône, tint ce jour un propos fort différent : « Les emprunts structurés, dont on mesure mal l’impact positif ou négatif à moyen terme, ont permis d’importants efforts d’investissement, d’autant que leur taux d’intérêt frôlait le niveau de l’inflation : du tout bénéf. pour nos collectivités », conseillera-t-il ainsi à ses homologues d’un air taquin et enjoué. Effectivement, d’autres élus locaux l’accompagneront dans ses péripéties : Saint-Étienne, Oullins, Feyzin, Sathonay-Camp, le CG de l’Ain…avant de se faire convoquer par Claude Bartolone

Pour autant, ce 14 mai 2009, André Barbé, Conseiller maître à la Cour des comptes, estima nécessaire d’apporter une petite précision : Le problème vient lorsque l’endettement a été contracté sur des fonds exotiques, hors zone euros, mais les collectivités qui se trouvent piégées par les emprunts structurés n’étaient déjà pas en très bonne santé. Le magistrat financier attirera plus longuement l’attention des élus sur les risques inhérents à la prévision budgétaire…

Depuis lors, les médias se firent largement écho des 396 millions d’euros d’emprunts toxiques contractés par Michel Mercier. Le risque pour le Conseil Général est important puisqu’il se pourrait que le surcoût financier soit de 30 millions selon les Centristes, de 100 millions d’euros selon UMP, de 370 millions d’euros selon le PS, donnant ainsi raison aux représentants de la Cour des comptes.

A cela s’ajoute les surcoûts, les fameux aléas dont parlait la DGCL, concernant le musée des Confluences dont le Conseil Général est maître d’ouvrage : Le coût du musée estimé à 60 millions d’euros en 2001 serait passé à 220 millions d’euros, sachant que le montant des impôts locaux du Rhône représente 512 M d’euros en 2011.

L’affaire au niveau local commença lorsque le Département emprunta 1,2 milliard de francs en 1995 avec Dexia via des emprunts structurés, ceci afin de payer en quatre jours le périphérique nord, suite à une décision de justice gagnée par EELV (Etienne Tête), crise pétrolière et environnementale oblige.

Devenu Ministre de la Justice, le gouvernement considérant sans doute qu’il fallait bien lui récompenser ses bons et loyaux services, le Président du Conseil Général est à présent bien mal en point. Ce dernier aurait mieux fait de prendre en considération les recommandations et mises en garde formulées par les magistrats de la Cour des comptes, à moins que le Garde des Sceaux ne considère, de nouveau, que la suppression des magistrats financiers soit aussi du « tout bénéf ».

Rappelons que le projet de loi initié par Philippe Seguin devait permettre aux magistrats de sanctionner les élus locaux ou des Ministres en cas de mauvaise gestion, or Michel Mercier fit supprimer cet amendement cet été, tout en imposant aux Chambres régionales une mauvaise cure d’austérité, en ces temps d’incuries, certes bancaires, mais aussi politiques. Il revient à présent aux électeurs et à leurs représentants de dessiner l’avenir…

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