Un contentieux constitutionnel plus démocratique : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
Dans un précédent article intitulé « Le monde judiciaire face aux politiques« , si j’ai pu aborder les insuffisances ou limites du Conseil constitutionnel en tant que juge électoral dans l’affaire des faux électeurs du Ve arrondissement, je vais à présent traiter d’un toute autre attribution que le contentieux électoral, à savoir l’exercice du contentieux constitutionnel.
Créé il y a 50 ans, le Conseil constitutionnel a pour habitude d’exercer le contrôle de conformité constitutionnelle des lois avant leurs promulgations. Cette autorité peut être saisie par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat et depuis 1974, par 60 députés ou 60 sénateurs. Elle peut d’office soulever certaines questions de conformité à la Constitution de la loi qui lui a été déférée, y compris sur des dispositions que les auteurs de la saisine n’ont pas expressément contestées. Une fois la loi promulguée, elle n’exerçait de nouveau son contrôle que si une loi nouvelle venait à la modifier, la compléter ou en affecter le domaine.
De ce fait, il arrivait que des lois ordinaires (et non organiques pour lesquelles le contrôle est obligatoire / les lois référendaires ne font toujours pas l’objet d’un contrôle) échappaient à son contrôle. Par exemple, la loi du 18 novembre 2005 prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence ne fut pas déférée devant le Conseil Constitutionnel. Il en va de même des lois non modifiées prises avant 1958 (loi sur la presse de 1881). Et en cas de contentieux, le juge administratif, n’étant pas compétent pour contrôler la loi par voie d’exception d’inconstitutionnalité, ne pouvait annuler un acte au motif que la loi sur laquelle celui-ci était fondé n’était pas conforme à la Constitution (CE, 6 novembre 1936, Arrighi). Celui-ci exerce cependant un contrôle de conventionnalité des lois en écartant l’application d’une loi contraire aux engagements internationaux (ex : contrat nouvelle embauche contraire à l’OIT).
Or, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (article 61-1 de la loi de modernisation des institutions portant sur l’instauration de l’exception d’inconstitutionnalité) permit de réaliser une grande avancée en la matière, en rendant le recours indirect du citoyen désormais possible a posteriori.
En effet, la voie dite de l’exception permet désormais à tout justiciable d’invoquer devant le juge qu’il a saisi, la non-conformité d’une disposition législative ordinaire aux droits et libertés que garantit la Constitution. Le Conseil peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat (administratif) ou de la Cour de Cassation (judiciaire). Cela change la donne car le contrôle ne se fait plus qu’à priori mais peut se faire aussi a posteriori. Bien sûr, il était toujours possible d’aller plus loin. Ainsi, François Mitterrand en 1989, ainsi que le rapport Vedel de 1993 sur la réforme des institutions, n’ont-ils pas proposé la saisine directe du Conseil Constitutionnel par les citoyens, comme cela se pratique en Allemagne ou aux USA, avant de se heurter au refus de la chambre haute. (Lire la suite…)