Plan de relance : la fin des commissions d’appels d’offres
Je me souviens avoir suivi une formation continue à l’IRA de Lille début 2004 dans laquelle des hauts fonctionnaires nous ont dit « voici la réforme du code des marchés publics (CMP), mais attention, rien n’est moins sûr ». En fait, le CMP change tous les deux ans.
Une fois n’est pas coutume, le code des marchés publics 2004 était en avance sur son temps puisqu’il avait été adopté le 7 janvier 2004, or les directives européennes marchés publics furent adoptées le 31 mars 2004. Le code n’étant pas conforme au droit communautaire, une nouvelle réforme, dont la date butoir était en principe fixée au 1er janvier 2006, était rendue nécessaire. Le nouveau code des marchés publics fut introduit par décret n°2006-975 du 1er août 2006 complété par la circulaire d’application du 4 août 2006. Il entra en vigueur le 1er septembre 2006.
La personne publique devenait le « pouvoir adjudicateur », l’entreprise candidate « l’opérateur économique ». La réforme permettait entre autre de faciliter l’accès des PME aux marchés (quotas, technique de l’allotissement, avance forfaitaire, actualisation des prix après l’adjudication, référence non obligatoire) et renforçait les objectifs de développement durable (dématérialisation des procédures « e-procurement », clause environnementale).
Elle prévoyait un délai de transition entre les différents codes et introduisait de la souplesse pour les pouvoirs publics (seuils facultatifs pour les bons de commande, possibilité de recourir à une procédure adaptée en cas d’offre infructueuse, sans suite ou inachevée pour les lots inférieurs à 80 000 euros pour les marchés de fournitures et services, à 5 270 000 euros pour les marchés de travaux).
C’est alors que le 4 décembre 2008 lors de son discours de Douai, le Président de la République annonça une réforme du code des marchés publics afin de soutenir le plan de relance, tandis que Bercy s’attelait depuis plusieurs mois à simplifier et actualiser la législation. Il s’ensuivit deux décrets d’application pris le 19 décembre 2008.
Pour répondre aux éventuelles interrogations des collectivités locales, Catherine Bergeal, Conseiller d’Etat, Directrice des affaires juridiques au Minefe organisera un dialogue en ligne le 5 mars. L’investigateur de la nouvelle réforme semble toutefois être son prédécesseur, Jérôme Grand d’Esnon, aujourd’hui avocat conseil dans le privé.
Il serait à l’origine du rapprochement du code des marchés publics et du droit européen (ordonnance du 2 juin 2005 et décrets d’application du 20 octobre et 30 décembre 2005). Europe et benchmarking, dématérialisation des procédures et concertation, sont devenus les maîtres mots du new management.
Que prévoit le nouveau CMP adopté le 1er janvier 2009 ?
Le seuil de 4.000 euros HT (réforme 2006) est relevé à 20.000 euros HT pour tous les achats en deçà duquel aucune publicité ni aucune mise en concurrence ne sont nécessaires. Tous les pays européens disposent d’un tel seuil qui se situe même à 60 000 euros HT en Autriche et en Irlande.
Le seuil de 90.000 euros pour tout achat de fournitures et de services ou toute opération de travaux ne change pas et continuera à faire l’objet d’une publicité préalable, contrairement à l’annonce de Nicolas Sarkozy. Jérôme Grand d’Esnon estime que la publication des avis dans la presse quotidienne régionale doit être préservée s’il l’on souhaite assurer la survie de ces médias. Le rapport sur la simplification des avis de publicité que le gouvernement doit présenter au Parlement dans les six mois (cf loi LPCIPP du 17 février 2009) sera « probablement rangé soigneusement dans un tiroir », a-t-il pronostiqué.
L’ancien directeur des Affaires juridiques de Bercy estime que les services dits « allégés » ne devraient pas être obligatoirement soumis à une procédure adaptée, point de vue apparemment non partagé par le Conseil d’Etat. Par contre, il reconnaît que le nouveau code modifie plus en profondeur les marchés de travaux.
Le plan de relance motivera des avancées pour les PME : un aménagement des avances exceptionnellement pour les marchés déjà notifiés ou notifiés en 2009, la réduction progressive des délais de paiement des collectivités territoriales, des parts de marché aux PME innovantes (décret de la loi LME), et à terme, la révision des prix pourrait prochainement devenir la règle sur les marchés de plus de trois mois soumis à forte variation (décret en cours de préparation), la directive Recours aura des incidences financières pour le pouvoir adjudicateur (ordonnance en cours), les contrats « in House » entre collectivités et établissements publics sont attaqués par Bruxelles et les contrats de partenariat PPP plutôt encouragés.
La situation économique motiverait-elle la fin des commissions d’appel d’offre ? Concernant les collectivités, la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés du 17 février 2009 élargit les possibilités de délégation à l’exécutif d’une collectivité.
Le système des délibérations successives de la commission d’appels d’offres (CAO) puis de l’assemblée délibérante pour l’attribution des marchés pourra être supprimé sans condition de montant. La réforme prévoit le recours à la commission des marchés publics de l’Etat pour les collectivités territoriales….mais aussi…la suppression de la CAO pour l’Etat et les établissements de santé (décret du 19 décembre 2008).
Les modifications du code des marchés publics fluidifient donc les procédures mais diminuent en contrepartie la transparence et la collégialité des prises de décision. Légalement, un groupe politique minoritaire aura donc moins « facilement » accès à l’information, ne parlons même pas des élus d’opposition.
Par ailleurs, il ne faudrait pas que cet assouplissement puisse donner aux acheteurs publics et aux entreprises le signal d’un abandon du formalisme. Liberté d’accès aux marchés, égalité de traitement des candidatures et transparence des procédures devront continuer à s’imposer.
La réforme met un terme au système des doubles enveloppes, soit, toutefois, l’ancien Directeur juridique de Bercy regrettera que la France soit « le seul pays européen à refuser l’ouverture publique des enveloppes » lors des appels d’offres. Il considère qu’une telle pratique serait une garantie de transparence pour la procédure…
Interrogée par l’association pour l’achat du service public sur une éventuelle dépénalisation de la commande publique, la nouvelle directrice de la DAJ, a contrario, s’est montrée « favorable à une éventuelle suppression du délit de favoritisme, mais pas à la dépénalisation de la corruption ».