Le temps, la ville et l’urbaniste

29 mars 2009

Plan de relance et sommet social

Publié par alias dans Economie & clusters

Le 4 décembre 2008 lors de son discours de Douai, le Président de la République s’était engagé à injecter 26 milliards d’euros dans l’économie française, auxquels s’ajouteront les 2,6 milliards du sommet social du 18 février 2009.

Le Plan de relance de 26 milliards se décline comme suit : des investissements publics (10 milliards d’euros), des mesures de trésorerie pour les entreprises et les collectivités locales (11 milliards d’euros) et des mesures en faveur de la consommation (4 milliards d’euros).  Correctement évalué, ce plan est d’ailleurs plus proche des 15 milliards d’euros en impulsion budgétaire, soit 0,7% du PIB.

Ce paquet de 28,6 milliards d’euros, soit 1,4% du PIB, est jugé insuffisant par les progressistes, lesquels estiment qu’il aurait fallu dégager 40 milliards d’euros, soit 2% du PIB, suivant les préconisations du FMI.

Il est certain que le gouvernement redoute un dérapage non contrôlé des finances publiques. La dette s’est accrue passant de 65% avant la crise à 74% du PIB actuellement et pourrait tendre vers 83% du PIB fin 2012. Elle se situe en haut de la moyenne européenne, mais sans excès. Il reste encore des marges de manœuvre et une fois la crise dépassée, un exercice de rigueur budgétaire de grande ampleur devrait pouvoir être mené. Il importe surtout à l’heure actuelle de réussir à coordonner les plans de relance (politiques macroéconomiques) au niveau européen, si ce n’est mondial.

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28 mars 2009

24 mars : Prague vient de tomber à l’heure de l’Europe

Publié par alias dans Affaires européennes

Le fragile gouvernement eurosceptique de centre droit tchèque (ODS) de Mirek Topolanek a chuté le 24 mars après un vote de défiance à l’initiative de l’opposition de gauche menée par les sociaux-démocrates (CSSD) représentés par Jiri Paroubek, en pleine présidence tournante de l’Union européenne. La stabilité gouvernementale (parti démocrate civique ODS+chrétiens-démocrates KDU+Verts SZ) ne reposait que sur 96 des 200 députés de la chambre basse et dépendait du bon vouloir de 4 députés indépendants à chaque vote. Le 24 mars, deux ex-députés de centre droit et deux ex-députées vertes ont voté la motion avec l’opposition de gauche (101/200 votes en faveur de la motion de censure motivée par le fait que le Premier Ministre aurait voulu museler les médias afin de protéger un député social démocrate « allié» soupçonné d’abus et de biens sociaux de fonds européen). Le chef du gouvernement va devoir démissionner mais il pourrait toutefois rester en fonction pour gérer les affaires courantes jusqu’à la fin de la présidence semestrielle de l’UE fin juin. Leur constitution ne fixe en effet aucun délai. Le Premier Ministre libéral a de plus déclaré qu’il demandera au Président ultra-libéral sa reconduction. Des élections législatives anticipées ne sont pas à exclure.

Les votes de défiances sont relativement courants en République tchèque depuis janvier 2007 (4). Suite aux élections sénatoriales du 25 octobre dernier, le parti social démocrate avait déjà déposé une motion de censure afin de faire tomber le gouvernement tout en appelant à des élections législatives anticipées. Il semblerait que le premier ministre ne soit pas franchement favorable à la ratification du traité de Lisbonne, et un peu trop enclin à collaborer en direct avec Washington. Le Premier Ministre avait toutefois réussi à convaincre les députés à temporiser afin de ne pas pénaliser la future présidence européenne tchèque prévue au 1er janvier 2009. Mais il faut aussi dire que la présidence européenne suivait le renouvellement prévu des cadres de son parti (congrès en décembre dernier). Toutes les espérances des majors libéraux n’ont pas été comblées, tout du moins, certainement pas des deux ex-députés de centre droit qui ont voté la motion de censure. Le Maire de Prague, un libéral proche du Président, se pose également en concurrent au sein de l’ODS. Quant aux Verts (Martin Bursik, Ministre de l’environnement), visiblement divisés, leur ralliement à un gouvernement eurosceptique de droite est pour le moins troublant. Est-ce le fait d’un pays au passé trop chargé ?

Ce n’est pas non plus la première fois qu’un gouvernement change en pleine présidence (Danemark en 93, France en 95, Italie en 96). Seulement, la conjoncture économique fait que cette situation prend une tournure plutôt inquiétante. Après la Lettonie et la Hongrie, la République tchèque est le troisième pays d’Europe de l’Est à voir son gouvernement tomber. Privé de confiance, le gouvernement tchèque aura des difficultés à assurer son leadership. Certes, les Tchèques ne semblent pas avoir fait preuve d’un engouement pro européen considérable, et l’on retiendra pour le moment de cette présidence l’intervention dans la guerre du gaz Russie-Ukraine. Le Président conservateur Vaclav Klaus est réputé europhobe, et le Ministre Tchèque semble davantage motivé par le sommet spécial UE-USA prévu le 5 avril à Prague portant sur l’Afghanistan et les relations avec les Etats-Unis. Il faut aussi reconnaître que les pays européens ont leur part de responsabilité. Après avoir délocalisé une partie de leur production, notamment automobile (1/5 de l’industrie – le pays de 10 millions d’habitants compte 5% de chômeurs), les industriels rapatrieraient leur production aux dires du Monde, les banques occidentales prêtent moins et les créanciers sont étranglés. A l’heure où se profile le sommet du G20 du 2 avril à Londres, arriver à coordonner les plans de relance des 27 pays européens avec les Etats-Unis ne serait pas du luxe. Cela nécessite un minimum de solidarité. Les Européens insistent également pour que le processus de ratification du traité de Lisbonne à Prague, et la négociation des garanties promises à l’Irlande en vu d’un second référendum, ne soient pas entravés par la chute du gouvernement tchèque.

28 mars 2009

La mondialisation accroît le risque de conflits locaux

Publié par alias dans Economie & clusters

Les auteurs Martin-Mayer-Thoenig de cet ouvrage intitulé « la mondialisation est-elle un facteur de paix? » analysent les interactions possibles entre commerce et guerre. Le postulat de Montesquieu, repris par les libéraux, voudrait que « l’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes. » Les gains économiques auraient donc un rôle dissuasif sur l’entrée en guerre des pays. De plus, le commerce en augmentant les interactions entre les agents économiques augmentent le flux d’informations et diminue les asymétries d’informations entre pays, ce qui a pour résultat de faciliter les négociations entre pays. A l’opposé, le courant marxiste soutiendra que l’asymétrie des relations commerciales entre pays crée des inégalités.  Dès lors, les conflits d’origine commerciale sont susceptibles de dégénérer en conflits armés.

Les études empiriques menées de 1949 à 2001 par les chercheurs du CEPREMAP les amèneront à conclure sur le fait que le commerce bilatéral a eu un rôle pacificateur sur les relations bilatérales, même si l’asymétrie est plus forte lorsqu’il s’agit de commerce de matières premières que de produits manufacturés. La probabilité de guerre est d’autant plus forte que l’information est incomplète. Toutefois, la mondialisation aura des effets contradictoires sur la paix. En affaiblissant les dépendances économiques locales entre pays proches, elle pourrait rendre les conflits militaires plus localisés. Lorsque les relations commerciales multilatérales sont renforcées, le coût d’opportunité d’un conflit militaire bilatéral diminue et l’incitation à faire des concessions avec son pays voisin afin d’éviter l’escalade militaire s’en trouve amoindrie. Les conflits n’opposeront donc plus des blocs, ne seront plus généralisés, mais deviendront de plus en plus locaux et régionaux. Statistiques à l’appui.

Les auteurs évoqueront ensuite les variables de la guerre, en l’occurrence celles des disputes interétatiques militarisées (DIM) entre deux pays. Les facteurs susceptibles d’encourager le déclenchement d’un conflit militaire entre pays sont, sans hiérarchisation :  une frontière commune, la surface des pays, un lien colonial passé entre les deux pays, un des pays exporte du pétrole, la moyenne des dépenses  militaires, le commerce multilatéral, les sanctions commerciales bilatérales, être membre permanent du conseil de sécurité. Les facteurs susceptibles de dissuader le déclenchement un conflit militaire entre pays sont, sans hiérarchisation : le nombre d’années de paix, la démocratie, la distance, la différence des dépenses militaires, un accord d’intégration régionale, le commerce bilatéral, la corrélation des votes à l’ONU, être membre du GATT ou de l’OMC.

Or si les systèmes de préférences généralisées (SPG), consistant à donner à des pays en voie de développement des accès privilégiés aux marchés aux pays riches, ont eu un effet positif sur la croissance d’un grand nombre de pays pauvres, il conviendrait en parallèle de faciliter l’intégration régionale des pays en voie de développement. Les auteurs insistent essentiellement sur la nécessité de contrebalancer les effets du libéralisme-multilatéralisme commercial (accord GATT/OMC) par la multiplication d’accords régionaux. Des sanctions commerciales multilatérales pourraient être prises par l’ONU contre les pays bénéficiant du multilatéralisme entrant en conflit bilatéral avec leurs voisins.

Martin P., Mayer T., Thoenig M., La mondialisation est-elle un facteur de paix ?, éditions rue d’Ulm, déc. 2008.

27 mars 2009

Entre communautarisme et défense des identités plurielles

Publié par alias dans Questions sociales

Ce film sur Harvey Milk dévoile l’existence du premier élu américain gay vivant à San Francisco à la fin des années 70. Le cinéaste, Gus Van Sant, a réalisé un vibrant plaidoyer en faveur de la lutte contre les discriminations. 

Les conservateurs revendiquaient alors l’expulsion des enseignants homosexuels des écoles et collèges, en les taxant de pédophilie. Ce film se terminera tragiquement par l’assassinat du conseiller homo ainsi que du maire de Los Angeles, par un autre conseiller très famille /morale, mal dans sa peau et perturbé (homo refoulé ?).

A l’heure où le Président de la République s’émoit de la publication d’un catalogue act up où figure le Président de Radio France (d’ailleurs non reconnaissable et militant à titre personnel), nous pourrions presque dire que les combats des années 70 pour la défense des droits de l’homme n’ont pas perdu de leur actualité.

Mais revenons-en au film, lequel ne laisse pas indifférent. N’y a-t-il toutefois pas un aspect un peu trop communautaire, une culture de l’entre-soi ? On voit bien que l’arrivée d’une directrice de campagne lesbienne suscite de prime abord un rejet de la « communauté masculine homo ». D’ailleurs, ce film ne montre quasiment aucune femme.

Se rendant bien compte du risque d’un trop fort repli identitaire, Harvey Milk incitera fortement les homosexuels à révéler publiquement leurs orientations sexuelles à leurs entourages, tel un nouveau défi. Ne va-t-il pas trop loin ? Chacun ne devrait-il pas pouvoir vivre son intimité comme il l’entend, être libre de le revendiquer ou non, d’en faire une affaire privée ou une affaire publique, avoir le choix de son niveau d’engagement ? La pression du collectif est-elle justifiable du fait de l’intensité de la cause qui sans cela n’aurait pas abouti ? 

Enfin, je me suis tout de même demandé si la lutte contre les discriminations pouvait être constitutif d’un programme à soit tout seul ? Nous pourrions dire cela pour toutes les revendications identitaires et/ou territoriales. Il est inacceptable de lire dans les manuels de droit public ou dans les revues spécialisées que les élus nationaux représentent l’intérêt général de la Nation mais que les élus locaux représentent les intérêts spécifiques de leur territoire ou de leur population.

Ce type de raisonnement aboutit à toute sorte de dérives ségrégatives. Un Maire pensera toujours local, certes, mais ne doit-il pas aussi dépasser ses intérêts clientélistes et intégrer l’intérêt général au travers de ses politiques publiques ?

27 mars 2009

Les chercheurs de la connaissance

Publié par alias dans Economie & clusters

Nietzsche : Nous, chercheurs de la connaissance, nous sommes pour nous-mêmes des inconnus,- pour la bonne raison que nous ne nous sommes jamais cherchés… Quelle chance avions-nous de nous trouver quelque jour ? On dit à juste titre : « Où est ton trésor, là aussi est ton cœur » ; notre trésor est là où sont les ruches de notre savoir. Abeilles – nées, toujours en quête, collecteurs de miel de l’esprit, une seule chose nous tient vraiment à cœur – « faire provision ». Pour le reste, quant à la vie, aux prétendues « expériences vécues », lequel d’entre nous les prend vraiment au sérieux ? lequel en a le temps ? Dans cette affaire, je le crains, nous n’avons jamais été « à notre affaire » : le cœur n’y était pas – ni même l’oreille ! Bien plus, comme un homme divinement distrait, absorbé en lui-même, aux oreilles duquel viennent de retentir à grand bruit les douze coups de midi, et qui, brusquement éveillé, se demande « qu’est-ce donc qui vient au juste de sonner ? » – ainsi arrive-t-il que nous nous frottions les oreilles après coup en nous demandant tout étonnés « qu’est-ce donc que nous avons au juste vécu ? » ou même « qui sommes-nous au juste » et nous essayons alors – après coup, comme je viens de le dire – de faire le compte des douze cloches vibrants, de notre expérience, de notre vie, de notre être –hélas ! sans trouver de résultat juste… Nous restons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas, nous ne pouvons faire autrement que de nous prendre pour autre chose que ce que nous sommes, pour nous vaut de toute éternité la formule : « Chacun est à soi-même le plus lointain ». 

26 mars 2009

Profits/Salaires : quel partage de la valeur ajoutée ?

Publié par alias dans Economie & clusters

Concernant le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits, j’ai pu lire tout et son contraire. Les fortes variations enregistrées au cours des trente dernières années (la bosse de 1975-1985) laissent toutefois entrevoir une modification durable des mécanismes de partage.

Remontons à présent le temps : Il semblerait que le taux de marge, c’est-à-dire la part de la rémunération du capital dans la valeur ajoutée, ait fortement baissé de 1970 à 1982 (45 à 37%) et sous l’effet de l’indexation des salaires, le salaire réel progressa beaucoup plus rapidement que la productivité marginale du travail. Les gains de productivité du modèle fordiste étaient relativement élevés.

Suite aux deux chocs pétroliers, il s’en suivit une très forte inflation. A partir du milieu des années 1980, la mise en place de politiques de désinflation pèsera en faveur d’une « modération » salariale. Le taux de marge se retrouvera en 1990 au niveau de 1973 et le partage de la valeur ajoutée se déforma au détriment des salariés. Ainsi, le salaire réel augmenta moins vite que la productivité. Cette transition correspond à une rupture dans les rapports de force sociaux.

De 1990 jusqu’à 2005, la période est marquée par une stabilisation de la part du capital dans la valeur ajoutée (31%) et du partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits. Cela semble surprenant d’autant que l’on entend souvent que les profits du capital ne cessent d’augmenter au détriment des salaires, mais les chiffres sont là pour démontrer le contraire.

Les évolutions globales cachent cependant des fortes disparités sectorielles. Les revenus des salariés du secteur industriel ont particulièrement été affectés dans les années 1980 et la tertiarisation croissante de l’économie contribuera mécaniquement à accroître la part des profits dans la valeur ajoutée. En effet, la part des profits dans la valeur ajoutée est structurellement plus élevée dans les services.

En juillet 2008, le débat sur le partage de la valeur ajoutée prit soudainement une nouvelle ampleur.  

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24 mars 2009

Daniel Cohn-Bendit et son projet d’utopie descriptive

Publié par alias dans Partis & élus

Les premières pages de ce livre  »Que faire » font dans la provocation, notamment lorsque Daniel Cohn-Bendit précisera son identité en disant qu’il se sent français pour le sport, ou parce qu’un jour les français ont déclaré « nous sommes tous des juifs allemands », ou encore justifiant de sa présence sur la liste Europe Ecologie en Ile-de-France « après tout, n’avais-je pas fait deux mandats en tant qu’Allemand contre un seul en tant que Français ».

Passé ce prologue peu intéressant, il présentera dans son chapitre 1 son itinéraire politique et une courte histoire de l’écologie, en passant des trois écologies de Félix Guattari, à la pensée anti-autoritaire et à la culture libertaire de Wilhelm Reich et Herbert Marcuse, au mouvement Provo des cyclistes d’Amsterdam, à la critique des sciences formulée par Jacques Ellul et Bernard Chardonneau, aux premiers penseurs écologistes des années 1970 : André Gorz – Cornélius Castoriadis – Claude Lefort, à la nouvelle civilisation du bien-vivre et non du bien-être d’Edgar Morin.

Il évoquera par la suite les premières mobilisations localistes, lesquelles en interagissant, permirent l’apparition d’une prise de conscience écologique. Des militants de la première heure, dont il reste quelques échos encore aujourd’hui, promurent alors des thèses très conservatrices, connues sous le nom de « conservatisme », adepte d’un retour à la vie sauvage « wilderness », comme l’illustre le film Délivrance de John Boorman (1972). 

Puis, au début des années 70, les idées environnementalistes rencontreront les nouveaux mouvements en faveur des droits et libertés, issus de la culture des campus et des révoltes estudiantines. Le fondateur de l’écologie sociale est Murray Bookchin. Cette incarnation « mouvementaliste » va se rapprocher des « alternatifs ».

La dynamique du mouvement  s’accélérera suite à l’accident de Three Mile Island en 1979, la catastrophe de Tchernobyl en 1986, aux récurrentes marées noires et pluies acides.

Le discours était encore très anti-parlementariste ; les militants divisés entre « fondamentalistes » et « réalistes ». En s’alliant au parti social-démocrate, les Verts allemands deviendront le plus puissant parti écologiste en Europe ; les Verts français devirent une véritable formation politique en 1984.

Délaissant peu à peu les mouvements sociaux, la plupart des partis Verts ne tarderont pas à passer des accords électoraux avec d’autres partis de gauche, jusqu’à accéder à des gouvernements nationaux après 1995. En 2002 se constituera le Parti vert européen, lequel a rédigé un «Manifesto».

Toutefois, l’action en faveur de l’écologie se heurte parfois à la mise en œuvre de politiques opérationnelles, lorsqu’il faut par exemple arbitrer entre la défense du paysage et le développement d’un réseau de TGV. Une radicalité incantatoire peut facilement virer au dogmatisme et engendrer des conséquences sociales redoutables. Il importe alors à l’écologie politique d’organiser les conditions d’un débat démocratique.

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22 mars 2009

Des lois contraires aux traités internationaux ?

Publié par alias dans Affaires européennes

Dans un précédent article portant sur le Conseil Constitutionnel, je faisais référence à l’exception de constitutionnalité des lois, créée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, laquelle permettra à tout justiciable de saisir indirectement et a posteriori le Conseil Constitutionnel en invoquant devant le juge qu’il a saisi, la non-conformité d’une disposition législative ordinaire aux droits et libertés que garantit la Constitution.

Jusqu’à présent, le juge ne pouvait qu’exercer qu’un contrôle de conventionnalité des lois par voie d’exception, en écartant l’application d’une loi contraire aux engagements internationaux (ex : contrat nouvelle embauche contraire à l’OIT, respect de la convention européenne des droits de l’homme…). Or si le juge écarte la loi non conventionnelle, il  ne l’annule pas ! même si l’autorité des cours suprêmes conduit à la généralisation des jurisprudences. Pourquoi ne pas tout simplement annuler les lois contraires ? Est-ce au justiciable, sans doute non rentier étant « bénéficiaire » d’un contrat nouvelle embauche pour le moins précaire, d’ester en justice afin que le juge puisse constater que l’acte réglementaire pris par le gouvernement n’était pas conforme aux traités internationaux ?  Si nul n’est censé ignorer la loi, faut-il aussi connaître toutes les jurisprudences ? Ne serait-ce pas plutôt au gouvernement d’exercer cette vigilance au préalable ?

D’autre part, se peut-il que des ordonnances contraires aux traités internationaux puissent être ratifiées par le Parlement ? Il semblerait que le Parlement soit un peu mieux prémuni, bien que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 permettant  au Président d’une assemblée de saisir le Conseil d’Etat pour avis préalable quant aux propositions de lois – et non plus seulement aux projets – afin d’en affermir la qualité juridique, soit relativement récente et permette de douter des pratiques anciennes (article 39 : « Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose. »). Cette vigilance exercée en amont et la saisine du Conseil d’Etat n’apparaît pas comme systématique.

Je me demande alors pourquoi ne pas tout simplement garantir un meilleur Etat de droit, en élargissant le contrôle de constitutionnalité des lois aux engagements internationaux ? La constitution dans son article 55 stipule que « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. » 

Or, si le Conseil Constitutionnel dans sa décision de 1975 « interruption volontaire de grossesse » a consacré la supériorité du traité dans l’ordre interne, il s’est déclaré incompétent pour sanctionner la violation d’un traité international. La Cour de Cassation suivra cet avis, en renvoyant le contrôle de conventionnalité aux juridictions de droit commun. En 1986 « loi sur le séjour des étrangers », le Conseil Constitutionnel a fait savoir  aux autres juridictions que cette compétence leur était attribuée par l’article 55 de la constitution. Il faudra attendre 1989 pour que le Conseil d’Etat admette dans l’arrêt Nicolo, la supériorité du traité sur la loi postérieure. 

Ainsi, il semblerait que le contrôle de conventionnalité exercé par le Conseil d’Etat ne s’engage que par voie d’exception et n’ait donc rien de systématique. Faut-il laisser l’arbitrage de ces contentieux internationaux aux cours du Luxembourg ou de Strasbourg, ou ne serait-il pas plus judiciable de mettre en place une cohérence interne des contrôles  ? Le Conseil Constitutionnel d’Italie exerce à la fois un contrôle de constitutionnalité et un contrôle de conventionnalité, soit un contrôle de fondamentalité. Est-ce la future compétence attendue du Conseil Constitutionnel ou bien le contrôle de conventionnalité a priori devrait-il être dévolu au Conseil d’Etat ?

21 mars 2009

Vers une « hydrodiplomatie » européenne ?

Publié par alias dans Affaires européennes

Actuellement se prépare le contre sommet de l’OTAN qui se tiendra à Strasbourg du 3 au 5 avril. Dans un précédent sur l’OTAN, j’évoquais le risque d’un délaissement de la Politique européenne de sécurité et de la défense (PESD) et concluais cet article sur un autre choix de société possible en faveur de la prévention des conflits et le respect des droits de l’homme. 

Ce Sommet de l’OTAN aura été précédé par le 5e Forum mondial sur l’eau organisé par une filiale de Véolia du 16 au 22 mars à Istanbul. A cette occasion, vingt-six agences de l’ONU placées sous l’égide de l’UNESCO ont remis leur rapport mondial sur les ressources en eau.

Ce rapport déplore qu’ «En dépit du caractère vital de l’eau, le secteur souffre d’un manque chronique d’intérêt politique, d’une mauvaise gouvernance, et de sous-investissement ». 

C’est un fait qu’ 1,1 milliards d’individus manquent d’un accès à l’eau potable et 2,5 milliards d’individus ne disposent d’aucune capacité d’assainissement. Dans les pays en développement, 80 % des maladies sont liées à l’eau.

Toutefois au-delà des questions de santé publique au demeurant primordiale, chacun s’accordera pour dire que l’or bleu est devenu un enjeu géostratégique majeur, étroitement lié à la sécurité énergétique.

Les prochaines échéances électorales européennes offriront-elles de nouvelles perspectives dans la conduite de ces politiques pour le moins cruciales ?

Certains territoires, souffrant d’un stress hydrique avancé, demeurent stratégiquement très sensibles : les zones du Nil Bleu, du Tigre et Euphrate, la Vallée du Jourdain, l’espace régional du Turkestan…

En 2025, si rien n’est fait, 4 milliards d’individus vivront dans un pays affecté par des pénuries d’eau, soit 90% de la population du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord. L’Asie consomme 70% de la consommation mondiale en eau, or sa quantité d’eau potable disponible a diminué de 50% dans les années 90, si bien que la Chine du Nord sera également très affectée. Avec 32% du tourisme mondial, le bassin méditerranéen qui ne dispose que de 3% des ressources en eau douce de la planète et concentre déjà plus de la moitié de la population la plus pauvre en eau, est un autre cas de figure problématique. Ces territoires sont sous-tension.

Le PNUD a recensé 37 cas de conflits entre Etats portant sur l’eau depuis 50 ans, dont 30 dans le seul Moyen-Orient. Plus de 3600 traités ont été signés, rendant effectif le concept naissant d’une « hydrodiplomatie ».

Les causes et conflits d’usage sont connus : l’évolution de la démographie (1 milliard d’habitant en 1800 – 6 milliards en 2000 – 8 milliards en 2025) et l’urbanisation anarchique des mégapoles (Mexico, Dacca, Bangkok…), l’évolution des pratiques agricoles et industrielles (respectivement 70% et 20% des ressources en eau utilisée), la déforestation et le tourisme, le réchauffement climatique et la désertification…

Nicolas Stern disait ainsi que le changement climatique s’exprime en degré mais se traduit en eau. Alors, quelle solution entrevoir ?

Au deçà d’une organisation mondiale de l’environnement (OME), la gouvernance européenne reste à construire.

En 2002 était née l’idée d’un Initiative Européenne pour l’Eau. Il était question de former les opérateurs locaux, de transférer les savoir-faire et de sensibiliser les acteurs de la société civile.

L’expertise européenne portait sur les techniques de dessalement (2,6% eau douce et 97,4% eau salée), la réutilisation des eaux usées, le stockage et le pompage à grande profondeur, la réparation des fuites et les économies d’eau, les plantations d’arbres et de végétaux, la capture et stockage des eaux de pluies…Où en est cette Initiative ?

Faut-il désigner un Représentant spécial du Président de l’union européenne sur les questions de l’accès à l’eau ? Etendre l’application des conventions internationales des Nations unies sur l’utilisation des fleuves internationaux afin que les barrages ne soient pas le fait exclusif des pays situés en amont des fleuves (ex Turquie) ? Accroître la transparence de l’utilisation des fonds afin de lutter contre la corruption ? L’eau doit-elle être privatisée (Suez et Veolia) ou considérée comme un bien public mondial garanti par les institutions publiques ?

La résolution adoptée par le Parlement européen le 12 mars, considérant que la distribution d’eau est très inégalitaire alors qu’elle devrait constituer un droit fondamental et universel, qualifie l’eau de bien commun de l’humanité.

Les députés refusent ainsi de définir l’eau comme un simple bien soumis aux règles du marché. Selon eux, un effort substantiel doit être fait en direction des populations les plus touchées.

Malgré la crise financière, les Etats membres devraient augmenter leurs efforts en matière d’aide au développement. Sans cela, il sera difficile d’atteindre les Objectifs du millénaire en matière d’approvisionnement en eau potable d’ici à 2015.

18 mars 2009

Une démocratie sociale territoriale en friction

Publié par alias dans Administration

Bien que les élections professionnelles ne mobilisent plus les foules, leur décryptage fait actuellement l’objet de fortes revendications au sein des collectivités territoriales. Depuis les scrutins des 6 novembre et 11 décembre derniers, le gouvernement a tergiversé sur la répartition des sièges des organisations syndicales au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).

Sur les vingt sièges, 6 sont dits préciputaires, les 14 autres sont répartis proportionnellement au nombre de voix obtenues lors des élections aux commissions administratives paritaires (CAP). Les organisations jugées représentatives obtiennent de droit un siège préciputaire, ce qui autorise l’accès à six syndicats. Or le gouvernement propose d’écarter l’ancienne CGC (1,2% des voix) au profit du nouvel entrant l’UNSA (5% des voix).

Chacun se demande alors quels sont les critères de sélection car, jusqu’à présent, les critères de représentativité dits « irréfragables » fixés par l’arrêté du 31 mars 1966 et repris par l’amendement « Perben » de 1996 applicable à la fonction publique, prenaient en compte certes les effectifs et l’importance des cotisations, mais surtout l’expérience et l’ancienneté ainsi que l’indépendance et l’attitude de l’organisation durant l’occupation.

S’il est clair que le facteur d’ancienneté joue contre les jeunes syndicats, pour autant, exclure un ancien syndicat n’est pas très heureux pour la pluralité de notre démocratie sociale. Alors, pourquoi ne pas avoir tout simplement fait en sorte que le nombre de siège préciputaire soit  porté à 9, ce qui aurait permis d’inclure l’UNSA (5%), la CGC (1,2%) ainsi que SUD (3,1%) et FSU (3%) ? Les syndicats SUD et la FSU siègent au sein du CSFP hospitalière et d’Etat et peuvent être bien implantés géographiquement.

Cela aurait mécaniquement abaissé le nombre de sièges attribués proportionnellement au nombre de voix obtenus à 11 (au lieu de 14). Le poids  de la CGT (8 sièges sur 14), entre autres, aurait, mécaniquement baissé au sein du CSFPT. Et si le pourcentage de voix compte désormais plus que l’expérience depuis les accords de Bercy du 2 juin 2008, il est très délicat d’exiger d’un syndicat d’encadrement de peser numériquement plus de 5%, sauf à croire en un revirement soudain des catégories C en faveur de leur hiérarchie bien aimée.

Pour finir, il me semble toujours préférable de respecter l’ensemble des parties prenantes, d’autant qu’un syndicat s’arrangera toujours pour faire entendre sa voix, que cela soit dans la rue, ou plus probablement en l’espèce, devant le Conseil d’Etat, retardant d’autant le bon fonctionnement du CSFPT. Un précédent existe avec Solidaires, lequel réussit à obtenir un siège au sein du CSFP d’Etat, après un long recours.

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