Petites histoires de la Ve République
En 1965, Mitterrand, face à Lecanuet, proclamera qu’il n’est l’homme d’aucun parti, mais celui d’un combat, qu’il sera l’homme d’une politique et veut être celui d’une espérance, et face à De Gaulle : »Je ne suis pas l’homme d’un parti, je ne suis pas l’homme d’une coalition de partis, je suis le candidat de toute la gauche, de la gauche généreuse, de la gauche fraternelle qui, avant moi, qui, après moi, a été et sera la valeur permanente de notre peuple ». Réplique de De Gaulle « La France, c’est tout à la fois, c’est tous les Français. Ce n’est pas la gauche, la France. Ce n’est pas la droite, la France…Le fait que les partisans de droite et les partisans de gauche déclarent que j’appartiens à l’autre côté prouve précisément que…maintenant comme toujours, je ne suis pas d’un côté, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France ». Et d’attaquer ouvertement, personnellement, pour la première fois, Mitterrand « candidat de la gauche, mais pas du tout, il est aussi le candidat de la droite [désistement en sa faveur de Tixier-Vignancour], je ne vous l’apprends pas, il est le candidat des partis… »
En 1968, De Gaulle proposera de fusionner le Sénat avec le Conseil économique et social ; le pouvoir législatif ne relevant plus que de l’Assemblée nationale. Il ajoutera que l’évolution de la participation à tous échelons, nation, région, entreprise, conduit à instituer dans chaque région une assemblée analogue au Sénat économique et social institué à l’échelon national. L’élaboration du projet de loi référendaire ne sera pas une sinécure. La SFIO, le PSU et le PCF voteront contre. Adressant cette dépêche le 28 avril 1969 : »Je cesse d’exercer mes fonctions de Président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi », De Gaulle tire la conséquence de son référendum-suicide (plebiscitaire).
En 1972, Pompidou, interrogé sur la construction européenne suite à l’adhésion de l’Angleterre, de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège au marché commun, proposa (formellement, la proposition émane du gouvernement) que l’élargissement de la Communauté soit ratifiée par tous les Français (et non par le Parlement). Il en résultera un demi-échec, si ce n’est un échec, l’abstention atteignant presque les 40%. Les communistes appelèrent à un non agressif à une Europe capitaliste, pillier de l’Alliance Atlantique et ennemie virtuelle de la Russie Soviétique ; les socialistes appelèrent au refus de vote (par abstention), tout en proclamant hautement leur fidélité à leur vocation européenne.
En 1973, Giscard d’Estaing déclara « hostile à la coincidence des élections législatives et présidentielles…je n’en crois pas moins depuis longtemps que le septennat n’est pas adapté à nos institutions nouvelles, et ma propre expérience m’a confirmé dans cette idée. Il va de soi toutefois que je pourrais envisager sa réduction, à compter de l’élection de 1976, et par les voies de l’article 89 de la Constitution, que si un accord suffisant était conclu entre les membres des deux assemblées pour que le projet de loi ne soit pas encombré et du même coup condamné par des propositions connexes ». Après la farouche opposition des gaullistes, la gauche va s’opposer en bloc au projet. Alors que son programme opte pour le quinquennat, toute simultanéité exclue entre élections législatives et présidentielles, alors même que ce même programme réclame l’utilisation exclusive de l’article 89 pour réviser la Constitution, car, c’est là que cette Gauche estime que le Programme commun de la Gauche forme un tout, traduit une « vision institutionnelle globale » et qu’en reprendre une disposition isolée n’a par suite aucun sens.
Pour être en capacité de se présenter à l’élection présidentielle de 1981, il faut, depuis la loi organique du 18 juin 1976, être parrainé par 500 élus issus d’au moins 30 départements différents. Si Brice Lalonde parvient à être présent pour les écologistes, cela sera grace à Bernard Stasi, leader des centristes du Centre des démocrates sociaux (future composante de l’UDF), lequel appela les élus à le soutenir : officiellement pour qu’il ne mette pas en cause « la démocratie bafouée », en prime, parce que les giscardiens espéraient ainsi prendre utilement des voix à Mitterrand. Fidèle à sa ligne ni droite ni gauche, Brice Lalonde (3,9%) ne se désistera pour personne, mais n’en note pas moins que les réponses de Mitterrand à son questionnaire sont plus claires que celles de Giscard. Préciseuse indication pour les hésistants, relèveront Guy Carcassonne et Olivier Duhamel, chacun appréciera. Fait plus connu, après son refus d’appeler ses partisans à soutenir Giscard d’Estaing pour le second tour, Jacques Chirac sera accusé de soutenir le candidat socialiste, François Mitterrand, en ne se prononçant qu’à titre personnel en faveur du président sortant « S’agissant de l’élection présidentielle, où ne restent en présence que deux candidats au second tour, il n’y a pas lieu à désistement. Le 10 mai, chacun votera en conscience. A titre personnel…je ne peux que voter pour M.Giscard d’Estaing. » Une page de l’histoire se tourne.
Candidat | % des exprimés | Suffrages |
Valéry Giscard d’Estaing (Union pour la démocratie française) | 28,32 | 8 222 432 |
François Mitterrand (Parti socialiste) | 25,85 | 7 505 960 |
Jacques Chirac (Rassemblement pour la République, soutenu par le Centre national des indépendants et paysans) | 18,00 | 5 225 848 |
Georges Marchais (Parti communiste français) | 15,35 | 4 456 922 |
Brice Lalonde (Mouvement d’écologie politique) | 3,88 | 1 126 254 |
Arlette Laguiller (Lutte ouvrière) | 2,30 | 668 057 |
Michel Crépeau (Mouvement des radicaux de gauche) | 2,21 | 642 847 |
Michel Debré (Divers droite gaulliste) | 1,66 | 481 821 |
Marie-France Garaud (Divers droite gaulliste) | 1,33 | 386 623 |
Huguette Bouchardeau (Parti socialiste unifié) | 1,10 | 321 353 |