Les collectivités face à la tourmente financière
Les colloques s’enchaînent. Celui-ci porte sur les « risques financiers et services publics locaux ». Ce colloque est entre autre soutenu par le Ministère de l’intérieur, le CNFPT, la CDC, l’ENA, l’AMF, l’AMGVF, le SNDG…De nouveau, la tribune est composée d’hommes au détriment de la parité.
Bruno Delsol de la DGCL introduira le débat portant sur les « collectivités face à la tourmente financière » en se voulant plutôt rassurant. Les dotations servent d’amortisseur financier et le contrôle budgétaire présente une garantie tout en donnant de la souplesse aux décideurs locaux. Le système français prévoit un haut niveau de sécurité et de la liberté.
Le risque ne porte pas tant sur un défaut de paiement mais sur un stress financier, exacerbé en cas d’aléas (investissement infructueux) ou de désactivation des sécurités internes et contournement des sécurités externes, faits au demeurant très rares. Les collectivités vont être amenées à resserrer leur dépense de fonctionnement. Avec la crise, les dépenses sociales risquent par contre de se rigidifier.
Les risques naturels sont réglementés et donc pris en charge par l’Etat, faut-il faire de même en réglementant les emprunts structurés ? L’AMF s’est prononcée pour l’aménagement d’un code de bonne conduite, lequel intégrerait un classement des différentes catégories d’emprunts selon les risques, et renforcerait l’information en direction des organes délibérants. Aux principes de liberté et de responsabilité s’ajoute désormais celui de la transparence.
Les emprunts structurés
Michel Mercier, Sénateur-Maire et Président du Conseil général du Rhône, qui devait présider la table-ronde arrivera en retard, cumul oblige. Il estime qu’entre l’application d’un régime planifié et un régime libéral, les variations sont minimes, voire inexistantes. Après les élections impliquant un changement d’équipes, il est plus facile électoralement parlant d’augmenter les impôts. Mais les élus recherchent surtout des emprunts et cela nécessite plus de dialogue ainsi qu’un effort de compréhension et formation des fonctionnaires vis-à-vis du marché. Sa collectivité s’est fortement endettée afin de construire un périphérique (après la crise pétrolière) dont elle tente de finaliser la boucle (après le Grenelle de l’environnement). Le capital emprunté est dans la moyenne des CG : 370 euros/habitants, le taux moyen de la dette est de 3%/an. Selon lui, les emprunts structurés, dont il estime que l’on mesure mal l’impact positif ou négatif à moyen terme, ont permis d’importants efforts d’investissement, d’autant que leur taux d’intérêt (2,60%) frôle le niveau de l’inflation. C’était donc tout bénéf. pour les collectivités.
André Barbé, Conseiller maître à la cour des comptes, précisera que les collectivités qui se sont trouvées piégées par les emprunts structurés n’étaient déjà pas en très bonne santé. Il souhaite surtout attirer l’attention sur les risques de la prévision budgétaire. Sur les dix dernières années, les collectivités n’avaient pas rencontré de problèmes liés à leurs ressources [endettement facile, fiscalité locale acceptée et dynamique par les assiettes et par les ressources de poche (droit de mutation), négociation des dotations possible...]. Ces recettes étaient relativement prévisibles avec l’aide des notaires, des agences immobilières bien qu’il y eut quelques écarts. Or cette période est terminée. Désormais, les collectivités doivent s’intéresser à l’évolution de leurs recettes et non plus uniquement de leurs dépenses. Les deux-trois années à venir seront à risques. Les conseils généraux, notamment, qui financaient leur RMI (6,5 mds d’euros) grâce aux droits de mutation (7 mds d’euros) sont en difficulté. Une étude américaine, réalisée il y a de cela trois ans, l’avait déjà fait remarquer.
Laurent Lafon, le Maire de Vincennes, constate que Dexia n’est toujours pas sortie de la crise et s’en inquiète. Olivier Régis du Forum pour la gestion des Villes estime que le bocage normand (mille-feuille institutionnel) a été protecteur face à la vente de produits structurés à base d’options. Les grandes collectivités allemandes ou italiennes ont été beaucoup plus affectées. Les collectivités locales (CG et ville) éprouveront une impasse budgétaire quant à leur droit de mutation en 2010 et devront soit s’endetter soit augmenter leur fiscalité, ou les deux. Il rejoint les propos d’André Barbé. En moyenne, le taux d’intérêt des emprunts pour les collectivités est de – 5%. Les collectivités sont relativement peu endettées (113 mds d’euros).
Le problème vient lorsque l’endettement a été contracté sur des fonds exotiques, hors zone euros. L’usage des coupons zéro ne fait aussi que reporter le risque sur les générations futures. Il est préférable de prendre des produits en relation avec les compétences des collectivités. Il constate à la fois une crise de liquidité (besoin d’un interventionnisme pour assurer le crédit interbancaire) et une crise d’information (besoin de réglementation des produits indexés en évitant les produits exotiques).
Les PPP
Annabelle Cazes de la Caisse des dépôts et consignation fait part de la difficulté de trouver des banquiers dans le cadre de l’élaboration des PPP. Si bien que l’Etat a toujours recours aux PPP pour la gestion des risques industriels (conception-réalisation-maintenance) mais a créé une structure de portage partenariale de droit privé détenue par le secteur public afin d’assurer la gestion des risques financiers et juridiques.
En effet, seuls trois établissements financiers arrivent à suivre la maturité des PPP qui s’étalent sur 20 à 30 ans ; la plupart des autres établissements ne suivant les opérations que sur 10 ans. L’Etat conserve donc la maîtrise d’ouvrage et exclut l’aspect financier des contrats de PPP.
Un responsable de la mission appui PPP présent dans l’assistance précisera que l’Etat apporte des garanties dans le cadre de contrats PPP passés dans le cadre du plan de relance signés avant le 31 décembre 2010, tout en mettant les collectivités en garde afin que les projets retenus ne se basent pas que sur des critères de bouclage financier - les établissements bancaires reconstituant leurs marges sont loin de vouloir supporter le risque – mais aussi sur la qualité technique des prestations, .
La difficulté actuelle porte en effet sur la nécessité de payer le risque financier et donc d’accepter de payer des taux élevés (position contraire à celle promue par Michel Mercier qui se félicitait du faible taux des emprunts structurés) ou de se servir des PPP comme emprunts ingénieux hors bilan, alors qu’il serait plus sain de calculer le taux d’intérêt en équivalent loyer.