Le temps, la ville et l’urbaniste

8 mai 2012

L’assimilation est-elle affaire individuelle ou fonction de société ?

Publié par alias dans Affaires européennes, Questions sociales

Selon Patrick Weil dans son ouvrage Liberté, égalité, discriminations, la question de la préférence ethnique fut posée politiquement à deux reprises au 20e siècle (1938/1945 et 1974/1995) et se conclura à deux reprises sur la voie de l’intégration et de l’égalité.

Dans l’entre deux guerres, les experts démographes, tous convaincus de la différence de valeur des étrangers selon leur origine géographique et raciale, s’interrogèrent sur le degré d’assimilabilité des populations.

Selon Mauco, secrétaire général du Haut Comité consultatif de la population et de la famille,  il faut distinguer des degrés d’assimilabilité entre les étrangers plus ou moins désirables en fonction de critères ethniques et professionnels. A contrario, selon Sauvy, nataliste, l’immigration doit être massive, ouverte et concerner toutes les catégories professionnelles.

Pour autant, l’ordonnance du 2 novembre 1945 évacua la question de l’assimilabilité et entreprit de traiter les populations sur un même plan d’égalité. Le pari est fait d’une capacité des étrangers à s’assimiler mieux et plus vite en ayant des droits identiques. L’immigration quantitative sera provisoire, l’immigration qualitative permanente. Sous l’influence de René Cassin, Président du Conseil d’Etat, toute référence au contrôle de l’origine ethnique sera supprimée.

A partir de 1977, les effets de la crise incitèrent le Président UDF Valéry Giscard d’Estaing à encourager le retour massif des immigrés nord africains dans leur pays et à freiner le regroupement familial. Il créa une prime de retour définitif au pays, puis, confronté à un échec, instaura le retour forcé : quotas de non-renouvellement de titres de séjour, suppression des titres en cas de chômage de plus de six mois.

Mais de nouveau, le Conseil d’Etat rappela à l’exécutif les valeurs républicaines qui prévalaient lors de la rédaction de l’ordonnance de 1945.

Arrivée au pouvoir, la Gauche régularisera 130 000 étrangers en situation irrégulière et fera adopter une loi sur le titre unique de dix ans, et dans le même temps, confirmera l’arrêt de l’immigration de travailleurs non qualifiés.

Ainsi, si les discours de droite, du centre et de gauche, purent afficher une préférence ethnique ou professionnelle (élitiste/méritocratique : les talents) en matière migratoire, les textes produits par les juristes au 20e siècle furent prescripteurs d’un certain formalisme républicain égalitaire.

Weil, P. Liberté, égalité, discriminations. Gallimard, 2008.

14 juin 2009

La crise du lait appelle une réforme de la PAC

Publié par alias dans Affaires européennes

Depuis quelques jours, les producteurs de lait manifestent un peu partout en France, afin de dénoncer les prix extrêmement bas du lait. Le prix du lait est passé brutalement d’environ 300 à 200 euros la tonne entre mars et avril dernier. Conséquence du démantèlement de la Politique Agricole Commune, les consommateurs payent toujours plus et les agriculteurs gagnent moins, dénonçant les marges exorbitantes que s’offrent les grandes surfaces.

Ainsi la commission européenne s’est-elle exprimée en faveur d’un marché du lait libre et non faussé. Tel était l’accord européen trouvé par Michel Barnier en décembre dernier, les quotas laitiers devant progressivement disparaître jusqu’en 2015 ; mais depuis, la crise de sous-production a donné lieu à une crise de surproduction. La commission rétorque que la crise tiendrait d’une insuffisance de la demande. Les espagnols et les italiens, estimant que les fromages français font concurrence à leur production, sont partisans d’une déréglementation de la PAC.

Pleinement ancré dans l’idéologie libre-échangiste de l’Europe, cet accord à la « quasi-unanimité » – sauf la Lituanie – entérinait le sacro-saint principe de non intervention du pouvoir politique dans l’économie. Depuis avril 2008, toute entente sur le prix du lait est devenu illicite, celui-ci oscillera en fonction de la demande et de la capacité productive des pays, eux-mêmes en concurrence. Or, le système productiviste a atteint ses limites. La PAC devrait davantage veiller à limiter la concentration des agriculteurs,  à limiter la production et inciter à la diversification, à soutenir les produits biologiques (sans intrants) et de proximité, et autant d’emplois qui l’accompagnent.

12 avril 2009

G20 Londonien : un bilan contrasté

Publié par alias dans Affaires européennes

Que penser de ce G20 du 3 avril 2009, dont l’enjeu consistait à poser les fondements d’une nouvelle architecture financière internationale ? Dans un précédent article intitulé «Société de défiance – société utopique », j’évoquais le projet de Jacques Attali dont une des pistes consistait à lancer un nouveau Bretton Woods visant à créer une monnaie unique mondiale (si possible européenne). Or, depuis, des voix se sont élevées pour demander un nouveau Bretton Woods, soulignant l’importance historique et symbolique de ces accords, lesquels pourraient alors garantir une certaine stabilité économique mondiale.

Petit retour historique : L’instabilité monétaire qui fut à l’origine de la crise de 29 était liée à la trop forte compétition des places financières. La crise boursière puis bancaire qui frappa alors les États-Unis provoqua l’explosion du système d’étalon change-or, si bien que chaque pays alla chercher son salut dans des mesures de protection nationale. Ce retour à un éventuel protectionnisme est pour l’heure de nouveau redouté.

A la sortie de la seconde guerre mondiale, les Alliés mirent au point un nouveau système permettant d’éviter d’une part, les secousses monétaires internationales qui avaient suivi la Première Guerre mondiale et d’autre part, les erreurs qui avaient transformé la crise de 1929 en grande dépression. Voici comment naquit le Fonds monétaire international.

Le FMI avait pour but de surveiller les politiques nationales pour vérifier qu’elles ne dérapent pas et d’intervenir en cas de crises de change pour fournir de la liquidité au pays concerné moyennant la mise en place d’une politique de redressement. Or les accords de Bretton Woods n’ont instauré aucun contrôle sur la quantité de dollars américains émis, ce qui provoqua une très forte inflation. Techniquement, c’est la République fédérale d’Allemagne qui mit fin aux accords de Bretton Woods.

Les demandes de remboursements des dollars excédentaires en or commencèrent. Les États-Unis ne voulant pas voir disparaître leur encaisse-or, suspendirent la convertibilité du dollar en or en 1971. Le système des taux de change fixes s’écroula définitivement en 1973 avec l’adoption du régime de changes flottants, c’est-à-dire qu’ils s’établissent en fonction des forces du marché, marquant la fin d’un système monétaire international organisé. La crise d’identité du FMI ne fera dès lors que s’accentuer.

Moins que le big bang espéré ou annoncé, le G20 fixa les grandes orientations d’une réforme du FMI et dans une moindre mesure de nouveaux principes en matière de régulation des acteurs financiers (3), une juxtaposition et limitation des politiques macroéconomiques actuelles malgré l’insistance des américains et l’intérêt que présentait un New Deal écologique (2), et un renforcement marginal des risques financiers systémiques essentiellement axés sur la lutte contre les paradis fiscaux sur lequel Nicolas Sarkozy avait souhaité attirer l’attention, sans pour autant modifier le fonctionnement des établissements off shore ou se donner les moyens d’apurer les actifs des banques (1).

Face à ce triple défi, la régulation, la relance et la réforme des institutions, le G20 aura permis un certain nombre d’avancées sans toutefois clarifier l’ensemble des doutes.

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1 avril 2009

Les enjeux de l’Europe au théâtre du rond-point

Publié par alias dans Affaires européennes

Je me suis rendue à un colloque sur le thème de l’Europe, organisé à l’initiative de Jacques Delors, ce 30 mars au théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées, un bien joli théâtre avec des grandes poutres apparentes en bois. Le panel des invités était particulièrement intéressant. Il y avait notamment l’Ambassadeur de la République tchèque en France. Et puis, Denis MacShane, ancien Ministre britannique des affaires européennes, à la personnalité enjouée. Jacques Delors devrait sortir un livre courant avril : « Investir dans l’Etat social », j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir. En attendant, voici trois points que j’ai retenus et qui mériteraient d’être approfondis : Le Cercle des économistes a identifié plusieurs formes de capitalisme et si rien n’est fait, l’Europe pourrait compter 24 millions de chômeurs au printemps 2010.Les relations bilatérales avec la Russie détentrice des ressources gazières interagissent avec les revendications légitimes d’indépendance de l’Ukraine et il se pourrait que la crise en Géorgie dégénére le 9 avril prochain.La ratification du traité de Lisbonne permettrait de renforcer le pouvoir communautaire du parlement européen.

1 – L’Union européenne face à la crise

Après avoir réussi à bâtir une Europe des marchés et une Europe monétaire, l’Union écononomique et financière reste à construire. Selon Tommaso Padoa-Shioppa, ancien Ministre des finances italien, les politiques vont de plus en plus vite mais agissent sans visibilité. Pour autant, le temps presse. Paul Rasmussen, Président du PSE, évalue à 24 millions le nombre de chômeurs en Europe au printemps 2010. Certaines économies sont particulièrement en difficulté. La Lituanie par exemple, a connu une progression de son PIB de 10% en 2007, mais pourrait bien connaître une chute de -10% de son PIB en 2009. La Hongrie est en faillite. L’Autriche, centre bancaire des nouveaux membres, ferme ses robinets. Il est pourtant nécessaire de faire couler les emprunts afin d’aider les pays de l’Est à supporter la crise si nous ne souhaitons pas voir surgir de nouvelles lignes de démarcation. S.E Pavel Fischer, Ambassadeur de la République tchèque en France, trouvera la potion un peu amère. Les pays fondateurs ont bénéficié de l’élargissement à l’est, en faisant fructifier leur hedge funds, ces oeufs d’or ; et il ne manquera pas de préciser la diversité culturelle des pays de l’Est que l’on considère à tort comme un bloc uni. Il ne parlera pas de la relocalisation des industries à l’ouest, mais de la crise d’approvisionnement du gaz. Jean-Hervé Lorenzi, Président du Cercle des économistes, prédira une baisse de 50% du taux directeur de la banque centrale européenne (il le sera de 25%), ainsi qu’une hausse du chômage trimestriel aux USA (+ 600 000 emplois). L’heure n’est pas à la refondation du capitalisme mais constituerait plutôt à mettre autour de la table toutes les formes de capitalismes existants, lesquels ne sont pas tous anglosaxons. Il existe par exemple un capitalisme autoritaire chinois. Si l’Europe va sans doute parvenir à surmonter sa crise de liquidité, elle devrait un peu moins s’intéresser aux taux d’inflation mais un peu plus à la valeur des actifs. La régulation financière verra toutefois le jour. Par contre, la difficulté tient à la coordination des plans de relance. L’Europe n’a pas bien évalué la crise, les plans sont insuffisants et se juxtaposent, au nom d’une soit disante spécificité nationale des systèmes productifs. La France souffre d’un déficit de compétitivité et sa population est relativement fragile. Il est nécessaire de lancer un grand emprunt européen afin de mettre en oeuvre la stratégie de Lisbonne, accès sur la recherche, l’innovation et  la société de la connaissance. Non sans humour, un intervenant dira que les banquiers au chômage pourront toujours se reconvertir en enseignants.  J’ajouterais ici que dans la mesure où le décret plafonnant les rémunérations des chefs d’entreprise ne concerneront pas les banques, il y a peu de chance que cela se produise, et les banquiers qui spéculent seront toujours bien mieux rémunérés que les banquiers dont le métier consiste à anticiper les risques.

Pierre Hassner de Science po rappelera que des pays frontaliers peuvent à la fois être rivaux, partenaires et adversaires ; l’important étant qu’il y ait des règles du jeux et qu’elles soient appliquées. Le fait que des banques européennes aient soutenu l’Ukraine dans la modernisation de ses gazoducs créa une tension avec la Russie. Cela marque le début de l’intégration de l’Ukraine dans le processus européen. Par contre, intégrer l’Ukraine et la Géorgie dans l’OTAN fut sans doute une maladresse diplomatique vis-à-vis de la  Russie. L’Europe arrive pour le moment à aider des pays au cas par cas, mais elle n’a pas une PESD définie. Les interventions militaires sont sans bénéfice politique. Joschka Fischer, ancien Ministre allemand des Affaires étrangères, prédit une potentielle guerre entre la Chine expansionniste et la Russie. La Russie a tout intérêt à s’allier avec l’Europe et l’Europe souhaite que l’Ukraine et les états biélorusses deviennent indépendants. L’Allemagne est accusée de jouer en solo. Ce n’est pas faux, elle a délaissé des intérêts gaziers et entretient donc des relations bilatérales avec la Russie pour s’approvisionner en gaz. Elle n’est pas la seule à agir de la sorte. Eneko Landaburu, Directeur général des affaires étrangères à la commission européenne, estime que la Russie se sent encerclée, ce qui peut expliquer sa réactivité. S’il est aisé d’avoir une mission militaire, il est actuellement plus difficile d’avoir une politique commune. Cela serait une erreur de croire en l’existence de conflits gelés, ils ont tous vifs. La crise en Géorgie avait été décelée mais rien n’a été fait pour la prévenir ; le 9 avril, elle risque de dégénérer. Denis MacShane, Ancien Ministre britannique des Affaires européennes, estime qu’à terme les franges de l’Europe pourraient atteindre l’Oural. L’Ukraine est désormais un état nation avec son identité démocratique. Toutefois, la construction de l’Europe ne peut se faire que sur une base fonctionnelle, elle a besoin d’avoir une vision politique.

3 – Le parlement européen, facteur de démocratisation

Les premières élections européennes au suffrage universel remontent à 1979. Joseph Borrell Fontelles, ancien Président du Parlement européen, estime qu’il s’agit de trouver un démos européen à la superstructure politique créée. L’Europe est actuellement incarnée par 27 pays, 23 langues, 150 partis politiques. Si 60% des lois sont d’origines européennes, un nouveau pouvoir, celui du tribunal de justice, apparaît. Sa jurisprudence n’est pas très démocratique et peut s’avérer dangereuse. Les compétences sociales sont restées du ressort des Etats, si bien que la perception qu’ont les citoyens européens de l’Europe est biaisée. Si le parlement n’a pas le pouvoir d’initiative, il peut influer sur les décisions et prendre indirectement ce droit (ex. directive Reach). Il n’en demeure pas moins que la ratification du traité de Lisbonne par l’ensemble des pays membres permettrait de mieux asseoir la légitimité du parlement. Pour le moment, la dynamique intergouvernementale a malheureusement pris le pas sur le communautaire. Le Parlement et la commission ne travaillent pas suffisamment de pair pour contrer le pouvoir du Conseil. L’Europe fonctionne sur un mode plutôt consensuel, elle manque de drama, ce qui explique en partie le manque d’intérêt des concitoyens. En repolitisant les instances, en rendant les députés indépendants de leur gouvernement (ex : ce qui aurait permis de ne pas adopter la directive retour), l’Europe gagnerait en intérêt. Evelyne Gebhardt, députée européenne chargée de la révision de la directive services, précisera que les parlementaires ont dans un certain nombre de domaines un pouvoir de codécision, ce qui est positif. Mais dans d’autres domaines (ex.: agriculture), les gouvernements décident seuls et à l’unanimité. Il manque également de grands médias européens, qui ne soient pas exclusivement britanniques. En travaillant moins vite, les députés peuvent aussi prendre le temps d’associer les citoyens. Pour le moment, la prise de conscience se fait de façon trop tardive, une fois que les directives doivent être transposées. Le traité de Lisbonne une fois ratifié permettra aux parlements nationaux de porter un droit de regard sur les textes avant leur adoption et participeront de la sorte à leur publicité. Aljoz Peterle, ancien Premier Ministre slovène constate qu’il ne suffit pas d’avoir des institutions fortes mais qu’il faut aussi développer un sentiment européen. Il estime qu’il faut en revenir à l’esprit des pères fondateurs. Guy Verhofstadt, ancien Premier Ministre belge, estime que grâce à l’euro, les pays européens sont mieux protégés face à la crise ; les eurosceptiques s’en rendent progressivement compte. Il manque toutefois des ressources propres à l’Europe. Selon lui, il ne peut y avoir de représentation sans taxation. Y consacrer 1% du PIB est insuffisant. Il propose de baisser les impôts nationaux et de créer des impôts européens. Il propose également la création de listes transnationales. Jean-Pierre Jouyet, ancien Secrétaire d’Etat des Affaires étrangères conclura sur le fait qu’en temps de crise, le conseil européen progresse quelque peu, et que le parlement reste  plus réactif que la commission.

28 mars 2009

24 mars : Prague vient de tomber à l’heure de l’Europe

Publié par alias dans Affaires européennes

Le fragile gouvernement eurosceptique de centre droit tchèque (ODS) de Mirek Topolanek a chuté le 24 mars après un vote de défiance à l’initiative de l’opposition de gauche menée par les sociaux-démocrates (CSSD) représentés par Jiri Paroubek, en pleine présidence tournante de l’Union européenne. La stabilité gouvernementale (parti démocrate civique ODS+chrétiens-démocrates KDU+Verts SZ) ne reposait que sur 96 des 200 députés de la chambre basse et dépendait du bon vouloir de 4 députés indépendants à chaque vote. Le 24 mars, deux ex-députés de centre droit et deux ex-députées vertes ont voté la motion avec l’opposition de gauche (101/200 votes en faveur de la motion de censure motivée par le fait que le Premier Ministre aurait voulu museler les médias afin de protéger un député social démocrate « allié» soupçonné d’abus et de biens sociaux de fonds européen). Le chef du gouvernement va devoir démissionner mais il pourrait toutefois rester en fonction pour gérer les affaires courantes jusqu’à la fin de la présidence semestrielle de l’UE fin juin. Leur constitution ne fixe en effet aucun délai. Le Premier Ministre libéral a de plus déclaré qu’il demandera au Président ultra-libéral sa reconduction. Des élections législatives anticipées ne sont pas à exclure.

Les votes de défiances sont relativement courants en République tchèque depuis janvier 2007 (4). Suite aux élections sénatoriales du 25 octobre dernier, le parti social démocrate avait déjà déposé une motion de censure afin de faire tomber le gouvernement tout en appelant à des élections législatives anticipées. Il semblerait que le premier ministre ne soit pas franchement favorable à la ratification du traité de Lisbonne, et un peu trop enclin à collaborer en direct avec Washington. Le Premier Ministre avait toutefois réussi à convaincre les députés à temporiser afin de ne pas pénaliser la future présidence européenne tchèque prévue au 1er janvier 2009. Mais il faut aussi dire que la présidence européenne suivait le renouvellement prévu des cadres de son parti (congrès en décembre dernier). Toutes les espérances des majors libéraux n’ont pas été comblées, tout du moins, certainement pas des deux ex-députés de centre droit qui ont voté la motion de censure. Le Maire de Prague, un libéral proche du Président, se pose également en concurrent au sein de l’ODS. Quant aux Verts (Martin Bursik, Ministre de l’environnement), visiblement divisés, leur ralliement à un gouvernement eurosceptique de droite est pour le moins troublant. Est-ce le fait d’un pays au passé trop chargé ?

Ce n’est pas non plus la première fois qu’un gouvernement change en pleine présidence (Danemark en 93, France en 95, Italie en 96). Seulement, la conjoncture économique fait que cette situation prend une tournure plutôt inquiétante. Après la Lettonie et la Hongrie, la République tchèque est le troisième pays d’Europe de l’Est à voir son gouvernement tomber. Privé de confiance, le gouvernement tchèque aura des difficultés à assurer son leadership. Certes, les Tchèques ne semblent pas avoir fait preuve d’un engouement pro européen considérable, et l’on retiendra pour le moment de cette présidence l’intervention dans la guerre du gaz Russie-Ukraine. Le Président conservateur Vaclav Klaus est réputé europhobe, et le Ministre Tchèque semble davantage motivé par le sommet spécial UE-USA prévu le 5 avril à Prague portant sur l’Afghanistan et les relations avec les Etats-Unis. Il faut aussi reconnaître que les pays européens ont leur part de responsabilité. Après avoir délocalisé une partie de leur production, notamment automobile (1/5 de l’industrie – le pays de 10 millions d’habitants compte 5% de chômeurs), les industriels rapatrieraient leur production aux dires du Monde, les banques occidentales prêtent moins et les créanciers sont étranglés. A l’heure où se profile le sommet du G20 du 2 avril à Londres, arriver à coordonner les plans de relance des 27 pays européens avec les Etats-Unis ne serait pas du luxe. Cela nécessite un minimum de solidarité. Les Européens insistent également pour que le processus de ratification du traité de Lisbonne à Prague, et la négociation des garanties promises à l’Irlande en vu d’un second référendum, ne soient pas entravés par la chute du gouvernement tchèque.

22 mars 2009

Des lois contraires aux traités internationaux ?

Publié par alias dans Affaires européennes

Dans un précédent article portant sur le Conseil Constitutionnel, je faisais référence à l’exception de constitutionnalité des lois, créée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, laquelle permettra à tout justiciable de saisir indirectement et a posteriori le Conseil Constitutionnel en invoquant devant le juge qu’il a saisi, la non-conformité d’une disposition législative ordinaire aux droits et libertés que garantit la Constitution.

Jusqu’à présent, le juge ne pouvait qu’exercer qu’un contrôle de conventionnalité des lois par voie d’exception, en écartant l’application d’une loi contraire aux engagements internationaux (ex : contrat nouvelle embauche contraire à l’OIT, respect de la convention européenne des droits de l’homme…). Or si le juge écarte la loi non conventionnelle, il  ne l’annule pas ! même si l’autorité des cours suprêmes conduit à la généralisation des jurisprudences. Pourquoi ne pas tout simplement annuler les lois contraires ? Est-ce au justiciable, sans doute non rentier étant « bénéficiaire » d’un contrat nouvelle embauche pour le moins précaire, d’ester en justice afin que le juge puisse constater que l’acte réglementaire pris par le gouvernement n’était pas conforme aux traités internationaux ?  Si nul n’est censé ignorer la loi, faut-il aussi connaître toutes les jurisprudences ? Ne serait-ce pas plutôt au gouvernement d’exercer cette vigilance au préalable ?

D’autre part, se peut-il que des ordonnances contraires aux traités internationaux puissent être ratifiées par le Parlement ? Il semblerait que le Parlement soit un peu mieux prémuni, bien que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 permettant  au Président d’une assemblée de saisir le Conseil d’Etat pour avis préalable quant aux propositions de lois – et non plus seulement aux projets – afin d’en affermir la qualité juridique, soit relativement récente et permette de douter des pratiques anciennes (article 39 : « Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose. »). Cette vigilance exercée en amont et la saisine du Conseil d’Etat n’apparaît pas comme systématique.

Je me demande alors pourquoi ne pas tout simplement garantir un meilleur Etat de droit, en élargissant le contrôle de constitutionnalité des lois aux engagements internationaux ? La constitution dans son article 55 stipule que « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. » 

Or, si le Conseil Constitutionnel dans sa décision de 1975 « interruption volontaire de grossesse » a consacré la supériorité du traité dans l’ordre interne, il s’est déclaré incompétent pour sanctionner la violation d’un traité international. La Cour de Cassation suivra cet avis, en renvoyant le contrôle de conventionnalité aux juridictions de droit commun. En 1986 « loi sur le séjour des étrangers », le Conseil Constitutionnel a fait savoir  aux autres juridictions que cette compétence leur était attribuée par l’article 55 de la constitution. Il faudra attendre 1989 pour que le Conseil d’Etat admette dans l’arrêt Nicolo, la supériorité du traité sur la loi postérieure. 

Ainsi, il semblerait que le contrôle de conventionnalité exercé par le Conseil d’Etat ne s’engage que par voie d’exception et n’ait donc rien de systématique. Faut-il laisser l’arbitrage de ces contentieux internationaux aux cours du Luxembourg ou de Strasbourg, ou ne serait-il pas plus judiciable de mettre en place une cohérence interne des contrôles  ? Le Conseil Constitutionnel d’Italie exerce à la fois un contrôle de constitutionnalité et un contrôle de conventionnalité, soit un contrôle de fondamentalité. Est-ce la future compétence attendue du Conseil Constitutionnel ou bien le contrôle de conventionnalité a priori devrait-il être dévolu au Conseil d’Etat ?

21 mars 2009

Vers une « hydrodiplomatie » européenne ?

Publié par alias dans Affaires européennes

Actuellement se prépare le contre sommet de l’OTAN qui se tiendra à Strasbourg du 3 au 5 avril. Dans un précédent sur l’OTAN, j’évoquais le risque d’un délaissement de la Politique européenne de sécurité et de la défense (PESD) et concluais cet article sur un autre choix de société possible en faveur de la prévention des conflits et le respect des droits de l’homme. 

Ce Sommet de l’OTAN aura été précédé par le 5e Forum mondial sur l’eau organisé par une filiale de Véolia du 16 au 22 mars à Istanbul. A cette occasion, vingt-six agences de l’ONU placées sous l’égide de l’UNESCO ont remis leur rapport mondial sur les ressources en eau.

Ce rapport déplore qu’ «En dépit du caractère vital de l’eau, le secteur souffre d’un manque chronique d’intérêt politique, d’une mauvaise gouvernance, et de sous-investissement ». 

C’est un fait qu’ 1,1 milliards d’individus manquent d’un accès à l’eau potable et 2,5 milliards d’individus ne disposent d’aucune capacité d’assainissement. Dans les pays en développement, 80 % des maladies sont liées à l’eau.

Toutefois au-delà des questions de santé publique au demeurant primordiale, chacun s’accordera pour dire que l’or bleu est devenu un enjeu géostratégique majeur, étroitement lié à la sécurité énergétique.

Les prochaines échéances électorales européennes offriront-elles de nouvelles perspectives dans la conduite de ces politiques pour le moins cruciales ?

Certains territoires, souffrant d’un stress hydrique avancé, demeurent stratégiquement très sensibles : les zones du Nil Bleu, du Tigre et Euphrate, la Vallée du Jourdain, l’espace régional du Turkestan…

En 2025, si rien n’est fait, 4 milliards d’individus vivront dans un pays affecté par des pénuries d’eau, soit 90% de la population du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord. L’Asie consomme 70% de la consommation mondiale en eau, or sa quantité d’eau potable disponible a diminué de 50% dans les années 90, si bien que la Chine du Nord sera également très affectée. Avec 32% du tourisme mondial, le bassin méditerranéen qui ne dispose que de 3% des ressources en eau douce de la planète et concentre déjà plus de la moitié de la population la plus pauvre en eau, est un autre cas de figure problématique. Ces territoires sont sous-tension.

Le PNUD a recensé 37 cas de conflits entre Etats portant sur l’eau depuis 50 ans, dont 30 dans le seul Moyen-Orient. Plus de 3600 traités ont été signés, rendant effectif le concept naissant d’une « hydrodiplomatie ».

Les causes et conflits d’usage sont connus : l’évolution de la démographie (1 milliard d’habitant en 1800 – 6 milliards en 2000 – 8 milliards en 2025) et l’urbanisation anarchique des mégapoles (Mexico, Dacca, Bangkok…), l’évolution des pratiques agricoles et industrielles (respectivement 70% et 20% des ressources en eau utilisée), la déforestation et le tourisme, le réchauffement climatique et la désertification…

Nicolas Stern disait ainsi que le changement climatique s’exprime en degré mais se traduit en eau. Alors, quelle solution entrevoir ?

Au deçà d’une organisation mondiale de l’environnement (OME), la gouvernance européenne reste à construire.

En 2002 était née l’idée d’un Initiative Européenne pour l’Eau. Il était question de former les opérateurs locaux, de transférer les savoir-faire et de sensibiliser les acteurs de la société civile.

L’expertise européenne portait sur les techniques de dessalement (2,6% eau douce et 97,4% eau salée), la réutilisation des eaux usées, le stockage et le pompage à grande profondeur, la réparation des fuites et les économies d’eau, les plantations d’arbres et de végétaux, la capture et stockage des eaux de pluies…Où en est cette Initiative ?

Faut-il désigner un Représentant spécial du Président de l’union européenne sur les questions de l’accès à l’eau ? Etendre l’application des conventions internationales des Nations unies sur l’utilisation des fleuves internationaux afin que les barrages ne soient pas le fait exclusif des pays situés en amont des fleuves (ex Turquie) ? Accroître la transparence de l’utilisation des fonds afin de lutter contre la corruption ? L’eau doit-elle être privatisée (Suez et Veolia) ou considérée comme un bien public mondial garanti par les institutions publiques ?

La résolution adoptée par le Parlement européen le 12 mars, considérant que la distribution d’eau est très inégalitaire alors qu’elle devrait constituer un droit fondamental et universel, qualifie l’eau de bien commun de l’humanité.

Les députés refusent ainsi de définir l’eau comme un simple bien soumis aux règles du marché. Selon eux, un effort substantiel doit être fait en direction des populations les plus touchées.

Malgré la crise financière, les Etats membres devraient augmenter leurs efforts en matière d’aide au développement. Sans cela, il sera difficile d’atteindre les Objectifs du millénaire en matière d’approvisionnement en eau potable d’ici à 2015.

14 mars 2009

L’OTAN et la R&D en matière d’équipements militaires

Publié par alias dans Affaires européennes

Dès septembre 2007, le Président de la République annonça le retour de la France dans l’ensemble des structures de l’OTAN au soixantième anniversaire du traité de Washington créant l’Alliance, soit le 4 avril 2009 lors du sommet franco-allemand. Le processus enclenché par Nicolas Sarkozy, en fléchant tous les efforts sur l’Alliance, pourrait bien nuire à la construction d’une politique européenne de la sécurité et de la défense (PESD), laquelle tomberait aux oubliettes.

Pour beaucoup, ce retour intégré dans l’OTAN est inacceptable s’il n’est pas a minima conditionné par la reconnaissance d’un véritable pilier européen au sein de l’OTAN, ceci afin de garantir les conditions de l’autonomie à défaut de l’indépendance.

Le Président arguera sur le fait que la France participe déjà à l’Alliance nord atlantique. En effet, si le Général de Gaulle avait souhaité que la France se détache de l’OTAN en 1966 suite à l’effondrement du bloc de l’Est symbolisé par la dislocation du pacte de Varsovie, un rapprochement fut en effet amorcé dès 1995 suite à l’élection de Jacques Chirac.

Depuis cette date, la France participe aux débats et décisions du Conseil de l’Atlantique Nord mais ne siège pas au sein du Comité des plans de défense (CPD) ni au sein du Groupe des plans nucléaires (GPN) ; en raison de la particularité de son outil nucléaire, la France a depuis longtemps fait savoir qu’elle ne rejoindrait pas le GPN.

Aujourd’hui, il s’agirait donc simplement d’intégrer le CPD dont les avis ne sont pas contraignants. Le Président estime que du fait que les troupes soient juste insérées et non intégrées le poids diplomatique de la France dans les processus de décision face aux Etats-Unis s’en trouve considérablement affaibli ; sans compter que ce statut particulier jette la suspicion parmi nos homologues européens à propos de l’existence d’un soit disant « agenda caché ».

Toutefois, ce statut particulier est compensé par une participation active de la France : celle-ci est le deuxième contributeur financier et la cinquième contributeur en hommes dans les opérations de l’OTAN. 

Les auteurs de la note de Terra Nova estiment que ce changement de statut permettrait en contrepartie un certain désengagement financier et humain. Humain, sans doute, mais peut-être pas financier.

Il me semble que la motivation profonde du Président pourrait bien être l’attribution d’un commandement stratégique particulier (ACT) dont la mission consisterait à réformer la stratégie, la doctrine militaire et les ambitions en matière d’équipements de l’OTAN, d’autant qu’il se trouve que la France investit plus que ses partenaires européens dans la R&D en matière d’équipements militaires.

Si la liberté de choix portant sur les opérations inquiète les Français, la maîtrise de la R&D militaire pourrait bien, en revanche, motiver le Président de la République.

La vision stratégique de la France se trouve dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, lequel prévoit la rédaction d’un Livre blanc européen de sécurité et de défense. Si la loi de programmation militaire 2009-2014 de la France consiste à réduire les effectifs militaires afin de mieux équiper les troupes de demain, la Présidence française de l’Europe n’a toutefois guère fait avancer les dossiers en la matière. On en retiendra surtout l’actualisation de la stratégie européenne de sécurité de 2003, en y ajoutant la cybersécurité et la sécurité énergétique, et la création d’un erasmus militaire pour la défense. De plus, si parmi ses confrères européens, la France (et le Royaume Uni) se distingue dans son investissement dans la recherche & développement en matière d’équipement militaires, le Royaume-Uni a fait entendre qu’il pourrait être amené à privilégier le recours à des avions de transport américains si les difficultés du programme européen A400M devaient perdurer.  L’incapacité des Européens à convenir d’un programme commun de développement d’avion de combat du futur, et le choix de nouer un partenariat avec les Etats-Unis dans le cadre du projet de Joint Strike Fighter, fait que le PESD a du plomb dans l’aile. Ses rares avancées portent sur la modernisation des hélicoptères et la mise à disposition des images fournies par les satellites Cosmo, Skymed et Helios 2, tandis que certains projets relèvent davantage de structures multinationales (unité A400M, commandement du transport aérien, interopérabilité aéronavale) ou ne font l’objet d’aucun engagement (déminage maritime, drone de surveillance, réseau des systèmes de surveillance maritime). Ces difficultés seraient susceptibles d’infléchir le choix présidentiel du commandement intégré dans l’OTAN. Le marché est également plus vaste. Reste à préciser quelles seraient les entreprises spécialisées en R&D sur notre territoire susceptibles d’être intéressées par ce ralliement militaire ? La question est tendancieuse, certes…mais en engageant la responsabilité du gouvernement devant l’assemblée nationale, il est certain que le Président de la République faussera la nature démocratique du débat, surtout si celui-ci devait pencher en faveur de la prévention des conflits et le respect des droits de l’homme.

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Afin d’écrire cet article, je me suis appuyée sur la note de Terra Nova, revisitée.

En période de crise économique, le gouvernement va doubler en 2009 le montant de ses commandes à l’industrie de la défense, selon des chiffres communiqués, mardi 17 mars, par la délégation générale pour l’armement (DGA). La DGA – maître d’ouvrage des programmes d’armement, responsable de la conception, de l’acquisition et de l’évaluation des équipements des forces armées – devrait notifier pour plus de 20 milliards d’euros de commandes cette année, contre 9,3 milliards en 2008. Parmi les commandes comptabilisées cette année, on compte de grands programmes, tels que celui de l’avion de combat français Rafale, l’hélicoptère de combat Tigre, les frégates multi-missions Fremme, a rappelé un porte-parole de la DGA.  Le porte-parole a souligné que, pour la première fois, la DGA passait des commandes globales, c’est-à-dire s’engageant sur plusieurs années. « Le niveau très élevé de commandes à l’industrie est en cohérence avec la première annuité de la loi de programmation militaire et la mise en œuvre du plan de relance », explique la DGA dans un communiqué.

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