L’assimilation est-elle affaire individuelle ou fonction de société ?
Selon Patrick Weil dans son ouvrage Liberté, égalité, discriminations, la question de la préférence ethnique fut posée politiquement à deux reprises au 20e siècle (1938/1945 et 1974/1995) et se conclura à deux reprises sur la voie de l’intégration et de l’égalité.
Dans l’entre deux guerres, les experts démographes, tous convaincus de la différence de valeur des étrangers selon leur origine géographique et raciale, s’interrogèrent sur le degré d’assimilabilité des populations.
Selon Mauco, secrétaire général du Haut Comité consultatif de la population et de la famille, il faut distinguer des degrés d’assimilabilité entre les étrangers plus ou moins désirables en fonction de critères ethniques et professionnels. A contrario, selon Sauvy, nataliste, l’immigration doit être massive, ouverte et concerner toutes les catégories professionnelles.
Pour autant, l’ordonnance du 2 novembre 1945 évacua la question de l’assimilabilité et entreprit de traiter les populations sur un même plan d’égalité. Le pari est fait d’une capacité des étrangers à s’assimiler mieux et plus vite en ayant des droits identiques. L’immigration quantitative sera provisoire, l’immigration qualitative permanente. Sous l’influence de René Cassin, Président du Conseil d’Etat, toute référence au contrôle de l’origine ethnique sera supprimée.
A partir de 1977, les effets de la crise incitèrent le Président UDF Valéry Giscard d’Estaing à encourager le retour massif des immigrés nord africains dans leur pays et à freiner le regroupement familial. Il créa une prime de retour définitif au pays, puis, confronté à un échec, instaura le retour forcé : quotas de non-renouvellement de titres de séjour, suppression des titres en cas de chômage de plus de six mois.
Mais de nouveau, le Conseil d’Etat rappela à l’exécutif les valeurs républicaines qui prévalaient lors de la rédaction de l’ordonnance de 1945.
Arrivée au pouvoir, la Gauche régularisera 130 000 étrangers en situation irrégulière et fera adopter une loi sur le titre unique de dix ans, et dans le même temps, confirmera l’arrêt de l’immigration de travailleurs non qualifiés.
Ainsi, si les discours de droite, du centre et de gauche, purent afficher une préférence ethnique ou professionnelle (élitiste/méritocratique : les talents) en matière migratoire, les textes produits par les juristes au 20e siècle furent prescripteurs d’un certain formalisme républicain égalitaire.
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Weil, P. Liberté, égalité, discriminations. Gallimard, 2008.