La Ville de Pierre-Bénite, localisée au coeur de la vallée de la chimie, organisa un forum sur la sécurité industrielle le 21 avril 2011. Au delà du questionnement portant sur les liens entre villes et industries, se pose celui de la pérennité des emplois du secteur de la chimie à forte dominante capitalistique dans une économie globalisée.
Selon l’Union des industries chimiques, la France reste le cinquième producteur mondial, 2e producteur européen après l’Allemagne. Le chiffre d’affaire de ce secteur composé de 3200 entreprises, dont 88% de PME-TPE, soit 178 000 salariés, représente 77 à 60 Mds d’euros selon les années (1 point PIB), dont 1,8 à 1,4% consacrés à la R&D selon les années.
Le secteur de la chimie a certes subi une perte sèche en 2008, mais il semble relativement stable. Celui de la pharmacie est en progression. Je pense que raisonner en nombre d’emplois directs semble peu pertinent dans la mesure où ce secteur pratique de plus en plus la sous-traitance, laquelle peut-être comptabilisée pour partie dans le secteur des services. Les relations avec les sous-traitants conviendraient d’être d’approfondies.
Elle se considère comme l’industrie des industries (53%), que cela soit dans le domaine de la transformation des plastiques (17%), la pharmaceutique (6%), la construction (3%) et l’automobile (3%). Son succès dépend, selon elle, de sa bonne appréhension du marché aval applicatif. L’UIC considère que la chimie apportera 100% des solutions aux problèmes environnementaux, tout en proclamant que la chimie verte (Axelera, Ecopôle) ne pourra exister sans chimie de base.
La chimie représente 6% des émissions de GES en France. L’UIC a précisé avoir diminué de 50% ses émissions de GES depuis 1990. L’étude AT-Kearnay montre que le secteur est encore capable de réduire de 20% ses émissions à l’horizon 2020, soit une division par plus de deux en 30 ans.Selon l’étude, atteindre – 30% de GES entre 2005 et 2020 coûterait 2 Mds d’euros. Cela équivaut à un gain de 0,2% de GES en France.
Elle consacre 7,6% de ses investissements à la réduction de l’impact environnemental de ses activités de production. L’étude Mac Kinsey sur le cycle de vie carbone des produits montre qu’une tonne de CO2 émise par l’industrie chimique permet de réduire de 2,6 tonnes les émissions du secteur aval. L’étude précise que l’industrie chimique ouest européenne produit avec une efficacité carbone de 40% supérieure à celle d’Amérique du nord et de 60% à celle du continent asiatique. Le meilleur score est réalisé par les matériaux d’isolation pour le bâtiment qui contribuent à 40% aux réductions totales de CO2 (ex : entreprises BASF et Arkéma)
L’UIC plaide en faveur d’un cadre réglementaire mondial de réduction des émissions de CO2 afin d’éviter les distorsions de concurrence. En même temps, elle demande l’introduction de critères carbone dans les appels d’offre afin de mieux protéger les industries françaises (forme de protectionnisme). Les pouvoirs publics français sont qualifiés de naïfs lorsqu’ils ouvrent leur marché à la concurrence internationale alors que l’Allemagne négocie en amont avec ses industriels des critères susceptibles d’être intégrés dans les appels d’offre. Cela permet aux industriels d’anticiper les futures réglementations et d’emporter les futurs marchés (forme de protectionnisme).
Elle a réduit de 78% ses émissions de métaux lourds dans l’eau depuis 2002. Suite au Grenelle, elle s’est engagée à élaborer un plan carbone de tous ses sites, à certifier selon un référentiel environnemental reconnu de 400 sites d’ici 2011, à introduire 15% de matières premières renouvelables dans ses approvisionnements d’ici 2017. Pour ce qui est de sa réduction de consommation d’énergie d’ici 2050, celle-ci semble très dépendante du gaz….L’UIC ne communique pas beaucoup sur cet aspect. La revue de l’observatoire économique d’UrbaLyon de janvier 2011 (OPALE) précise toutefois que Rhodia a un projet d’installation photovoltaïque à St Fons Belle-Etoile.
Et le rapport de la mission parlementaire propose notamment et globalement pour les industries de mener une action forte et déterminante sur les activités et produits dans le cadre du « développement durable » en les fédérant et les organisant (biomasse, méthanisation, bioénergies, solaire, biomatériaux, chimie des plantes, bionutrition…) ; développer des « contrats de filière » entre la région, les territoires concernés et les représentants des différentes filières industrielles locales, fondés sur l’identification des filières stratégiques pour le maintien et le développement de l’emploi local ; mieux prendre en compte la dimension écologique dans les échanges commerciaux ; autoriser les industriels à négocier les tarifs d’électricité contractuels aménagés, compatibles avec les exigences européennes, en prenant en compte l’effacement, l’interruptibilité et la proximité de la source d’approvisionnement ; conditionner l’instauration d’une éventuelle taxe carbone et son application en France à sa mise en place à l’échelle européenne.
Selon ses représentants, seule une réglementation adaptée permettra de maîtriser les risques, gage d’acceptabilité par la population ; en même temps, les industriels sont les premiers à demander une réduction des normes ; mais aussi une harmonisation européenne des normes en vigueur ; ou encore l’introduction de normes négociées en amont, comme en Allemagne, visant à limiter l’accès aux marchés (forme de protectionnisme en instaurant un critère bilan carbone).
Les Etats généraux de l’industrie auraient révélé le handicap français lié à une dispersion de ses sites industriels pendant la seconde guerre mondiale, à la différence de l’Allemagne, laquelle disposerait donc d’un avantage comparatif. Les intervenants ne firent pas état de la stratégie de compétitivité-prix menée par l’Allemagne (cf note de Terra Nova : gel des salaires nominaux pendant sept ans, baisse des charges sociales et suppression corrélative des prestations sociales de l’Etat-providence, transfert de charges sociales sur trois points de « TVA sociale », ce qui est l’équivalent d’une dévaluation compétitive en taux de change fixe).
En France, la Région Rhône-Alpes est la première région française de production. En incluant le secteur pharmaceutique, elle concentre 600 établissements dont 42 000 salariés. La chimie pure concerne 500 établissements dont 31 500 salariés. Elle génère trois fois plus d’emplois. La chimie en Rhône-Alpes pèse 11 Mds d’euros, dont 8 Mds d’euros à l’exportation, et 25% des moyens de la recherche nationale.
Les sites industriels en Rhône-Alpes sont fortement interconnectés, ce qui constitue, selon l’union des industries chimiques, une force et une faiblesse à la fois « Si l’un tousse, tout le monde peut s’enrhumer ». Cette industrie fortement capitalistique externalise les métiers de la maintenance. Elle procède à des phénomènes d’intégration et de désintégration successifs, semblable à un « véritable château de cartes », selon les dires d’un expert de CIDECOS.
Les établissements ont baissé en taille (500 à 150-400 salariés maximum). L’industrie chimique se recentre ces dernières années sur des activités bien ciblées, elle se spécialise au détriment de l’intégration. L’industrie chimique exporte 49 Mds et importe 43 Mds, elle est le premier secteur exportateur en France. Elle vise l’exportation de ses technologies concernant les polymères, de plastiques, de silicone, PVC, notamment vers la Chine, mais pas seulement.
Les syndicats considèrent anormal que des entreprises bénéficiant du Crédits Impôts Recherche (20 M d’euros, soit 30% des dépenses recherche de Rhodia par exemple) puissent transférer leur technologie à l’étranger où seront créés les emplois. Ils souhaitent qu’une contrepartie soit accordée par l’entreprise bénéficiaire d’une aide publique.
Selon l’IUC, 21 des 71 pôles de compétitivité en France ont une relation avec la Chimie, soit près d’1/3 des pôles. La R&D des pôles de compétitivité ne garantirait pas des retombées locales selon l’expert de CIDECOS (hors emplois ?). Le besoin de mutualisation nécessiterait en effet de forts investissements à long terme, or les grands groupes n’acceptent un retour sur investissement qu’à court terme, 5 ans étant déjà considérés comme étant du long terme par les acteurs.
L’industrie de la chimie a consacré une faible part à son investissement offensif ses dernières années, menant une stratégie de dégoulottage visant à maintenir ses capacités actuelles, sans toutefois investir dans de nouvelles branches ou de nouveaux outils. Elle a donc misé ces dernières années davantage sur le « D » de développement que sur le « R » de recherche, selon les dires de l’expert indépendant du cabinet CIDECOS.
Les syndicats déplorent que les financements reposent de plus en plus sur les fonds de pension ainsi que l’absence de représentants dans les pôles de compétitivité. Il semblerait que Blue Star et Adisseo soient toujours dans une logique industrielle, tandis que Rhodia et Arkéma aient basculé dans une logique de financiarisation.
En conclusion, l’IUC émet le vœu d’obtenir une recherche localisée et corrective, une réglementation incitative et allégée, des supports spécifiques aux PME et ETI de la chimie (accès aux crédits bancaires, fonds régional d’aide d’urgence, plateforme mobilité, besoin de formation professionnelle, reconfiguration des aides oséo ?), des infrastructures territoriales (l’industrie de demain restera pondéreuse, c’est-à-dire lourde en logistique, en capacité de stockage, or elle manque de wagon isolé et de surface foncière), une politique de sourcing stratégique à l’international coordonnée (critiquable), ainsi que des compétences renforcées en technologie.
Quant à la CGT d’Arkéma, elle émet le voeu d’une stabilisation des modes d’organisation, lesquelles à force de changement, finissent par stresser les salariés et générer davantage de risques au travail. Le discours “sécuritaire” induisant une mise en exergue de la ”responsabilité individuelle” des salariés en cas d’erreurs interroge un process managérial insuffisamment remis en question par l’UIC.