Le temps, la ville et l’urbaniste

5 octobre 2010

Le monde judiciaire face aux politiques

Publié par alias dans Droit public & pénal

Quelles peuvent bien être les relations entre le monde judiciaire et le monde politique ? Le droit bride-t-il l’initiative des politiques ou bien valorise-t-il l’action politique ? En parlant de l’essor du pénal, il est difficile de ne pas évoquer le procès des faux électeurs de Tiberi. Je suis allée au Tribunal Correctionnel assister à la première audience, pour comprendre de visu le fonctionnement de notre système judiciaire, et surtout, pour entendre le Procureur général de la République, exceptionnellement présent. Cette audience m’a fortement attristée, d’une part parce que nos institutions républicaines avaient sérieusement été entachées dans leur mode de fonctionnement, et d’autre part, parce qu’un ancien Maire gaulliste se retrouvait ainsi sur l’échafaud. Certes, il est fautif d’avoir fermer les yeux, si ce n’est d’avoir su négocier son silence en devenant Maire.

Une journaliste du Monde, Pascale Robert-Diard, relate le procès au travers une chronique judiciaire, dans laquelle elle déballe la petite cuisine interne de Tiberi et de ses dix comparses. Mais tout cela, nous le savions déjà. Or, ce qui reste le plus incompris, ceux sont les agissements de deux de nos institutions : le Conseil Constitutionnel et le Parquet. Pourquoi les juges d’instruction changèrent en cours d’instruction ? Pourquoi les juges d’instruction n’eurent pas accès au dossier du juge des élections (le Conseil Constitutionnel) ? Pourquoi les juges d’instruction évoquèrent le fantomatique « réquisitoire du Parquet » concluant à un non-lieu, dans leur ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel ? Il en demeure pas moins que le droit ne pourra pas tout et ne remplacera pas l’évolution des mœurs ainsi que les pratiques de nos concitoyens…

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27 juillet 2010

Pierre Truche ou l’indépendance de la justice

Publié par alias dans Droit public & pénal

Le 21 octobre 1996, un arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris retire au directeur central de la police judiciaire, M.Foll, son habilitation d’officier de police judiciaire, pour avoir interdit aux policiers de prêter assistance au juge Halphen lors de sa perquisition au domicile de Jean Tiberi, Maire de Paris (et ex Maire du 5e arrondissement).

Le Ministre de l’intérieur, Jean Louis Debré (Adjoint au Maire de Tiberi et tête de liste dans le 18e arrondissement, ), critique cette décision. 

Le nouveau premier Président de la Cour de cassation, Pierre Truche, écrit du coup au garde des sceaux : « Je regrette qu’un discrédit soit jeté par un membre du gouvernement sur des magistrats ayant agi dans l’exercice de leurs responsabilités et qui n’ont d’autres moyens d’expression que la motivation de leurs décisions ».

9 octobre 2009

Jouer plus pour perdre plus ou la dérégulation des jeux en ligne

Un recteur d’Académie aurait décidé d’offrir des places de football (OM) à des adolescents à condition qu’ils cessent l’école buissonnière. Ainsi, l’assiduité scolaire serait-elle récompensée par la fréquentation d’un club de football de haut de niveau, histoire de préparer les jeunes générations à “mieux” miser sur leur avenir !

Or, des compétitions à leurs dérives, il n’y a désormais qu’un pas  vite franchi. Le sacral ne meurt pas, il mute, l’Etat providence a laissé place à la Société du spectacle. Arnaud Mourot de l’association “Sports sans frontières”, désireux de réinsérer des jeunes en situation d’échec scolaire par le  biais du sport, déplorera le fait que l’économie ait pris le pas sur la dignité : Les “joueurs appartiennent aux clubs, à leurs investisseurs”.

Crise de confiance en l’Etat-Providenceet mainmise des grands groupes capitalistiques sur l’univers du football, le gouvernement sautera sur l’occasion pour entreprendre la dérégulation des jeux en ligne, alors que rien ne l’obligeait à mettre à mal un enjeu, pourtant, de santé publique, voire de protection de l’enfance.

Au niveau national, la bonne politique aurait consisté à renforcer la tutelle sur les monopoles (interdiction des paris à cote, plafonnement des taux de retour par la loi, encadrement de la publicité sur les jeux, protection des publics sensibles, moyens consacrés à la lutte contre l’addiction ) et non à la supprimer, voire, à interdire ces jeux comme en Allemagne.

Des éventuelles dérives des pratiques sportives : 

Les compétitions sportives auraient remplacé les guerres nationalistes. « Les stades, écrira Regis Debray dans son ouvrage « Le moment fraternité », sont les cathédrales de la modernité. Par le volume et l’audace des constructions, c’est incontestable. Ils se ressemblent tous ? Les vaisseaux gothiques aussi. Ce sont des enceintes fermées, en forme d’anneau ou ovoïdes. Des foules s’y rassemblent volontairement, fidèles appelés fans, mais pas pour longtemps. Même si les spectateurs pratiquent le soutien sans participation, les cérémonies sportives obéissent elles aussi, à des rituels fixés d’avance (…). Le faire-frontière entre tribus est même l’essence du match entre équipes rivales. Aussi mondialisées et interchangeables que soient devenues ces dernières, les Euros, mondiaux et autres jeux olympiques offrent un exutoire aux derniers chauvinismes publiquement autorisés, entonnoirs d’agressivités nationalistes refoulées, et en Occident illicites. Quand la guerre est prohibée et que le gouvernement des hommes rétrécit en gouvernance, le conjonctif est en souffrance et le football a toutes ses chances ”. 

S’est-on jamais demandé si les coupes du monde pouvaient être un symbole de paix et de fraternité ? Pour mieux cerner le malaise, il faudrait reprendre la pensée de Michel Caillat : «Comment penser le sport du 21ème siècle autrement que fidèle à son idéologie du progrès sans fin, de la “liberté de l’excès” et de l’extrême ? Sa faute, et celle de ses laudateurs aveugles, est d’avoir crû que l’on pourrait fonder une “société humaine” sur le culte du plus fort et du tri physique, sur la concurrence généralisée et la compétition permanente, sur l’idéal du dépassement, du risque et du jeu avec la mort, sur l’apologie de la virilité, sur la réification des athlètes, la chloroformisation des consciences, sur les communions magiques et les délires chauvins, sur les identifications les plus pauvres et les émotions les plus fades, sur l’anti-intellectualisme maladif….».

Dans la foulée du sociologue, certains relevèrent les vérités anthropologiques suivantes : d’abord, l’essence du sport est bien la mise à mort rituelle des combattants et il a bien a rapport natif à l’affrontement individuel et à la guerre ; ensuite, il a une fonction de compensation, la dépense physique sur le terrain cherchant à gommer la sédentarité du quotidien ; enfin, il a (ou a eu) une fonction sociale de préparation à la guerre, de “rebronzage de la race” (Coubertin), de maintien de la vigueur physique. Fonction à laquelle s’ajoute la nécessité de resserrer les liens entre les membres de la communauté, actrice ou spectatrice, par l’exaltation d’une identité collective.

De la libéralisation des jeux en ligne

Aujourd’hui, le marché légal des jeux d’argent en France est très encadré : le PMU a le monopole de la prise de paris, hors hippodromes, sur toutes les courses hippiques; la Française des jeux a le monopole des paris sportifs sur les matchs de football et de rugby ainsi que sur les loteries et autres jeux de hasard ; quant aux jeux dits « de cercles » (poker en particulier), l’Etat délivre des autorisations aux casinos et aux cercles de jeux fermés, très peu nombreux. Sur internet, seules deux formes de jeux sont légalement autorisées aujourd’hui : le PMU pour les paris hippiques et la Française des jeux pour les jeux de hasard. Tout le reste est illégal.

Or, le projet de loi encadrant l’ouverture des jeux d’argent en ligne vient d’être adopté les 7 et 8 octobre 2009  à l’Assemblée nationale, malgré l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 8 septembre 2009 validant le principe d’un monopole sur les jeux d’argent, principalement pour des motifs de protection de l’ordre public et de lutte contre le jeu pathologique. L’arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional, Bwin c. Santa Casa  s’inscrit dans la lignée de jurisprudences antérieures (notamment CJCE, 21 sept 1999, Läära) qui se trouvent nettement clarifiées.

Même s’il est à déplorer que l’Etat n’ait pas toujours bien joué son rôle de tutelle en laissant la Française des Jeux, et dans une moindre mesure le PMU, mener des politiques commerciales, il est fort à parier que l’ouverture à la concurrence des jeux d’argent se fera bien évidemment au détriment des personnes les plus vulnérables plus facilement enclin aux jeux.  Ce marché des jeux en ligne, fort juteux, représentera pas moins de 2 à 3 milliards d’euros en 2012.

De plus, l’ouverture du marché du jeu entraînera nécessairement une augmentation de l’offre, et si le gouvernement cèda sur les jeux en ligne, à terme, l’ensemble du secteur (jeux en durs) pourrait bien basculer à son tour. L’obligation de licence en France (avec la soumission aux prélèvements fiscaux français revenant principalement à l’Etat : -5,7% – et à la Sécurité sociale : -1,8% ; contre -14% auparavant). Le total des prélèvements sur les jeux tout compris s’étant élevé à 5,95 milliards d’euros en 2006 en France) et la mise en place d’une autorité administrative de régulation (l’ARJEL + 3% des mises à la prévention dans la limite de 5 millions d’euros ) ne palliera certainement pas la libéralisation des paris à la cote.

Limités jusqu’ici à un seul jeu proposé par la Française des jeux, les paris à la cote change en profondeur les relations entre les joueurs et les organisateurs : contrairement au pari mutuel où tous les parieurs jouent les uns contre les autres, dans le pari à côte, c’est l’organisateur qui fixe la cote. Afin de limiter l’incitation au jeu, la loi encadrera la part des mises reversée aux joueurs (sachant que plus la redistribution aux gagnants est élevée, plus l’incitation à jouer est forte), ce qui signifie que des décrets fixeront le « taux de retour » des mises reversées aux joueurs.

La CJCE pointe toutefois « la possibilité qu’un opérateur qui parraine certaines des compétitions sportives sur lesquelles il prend des paris ainsi que certaines des équipes participant à ces compétitions se retrouve dans une situation qui lui permette d’influencer directement ou indirectement le résultat de celles-ci et ainsi d’augmenter ses profits ».

27 février 2009

Responsabilité pénale et protection des fonctionnaires

Publié par alias dans Droit public & pénal

Je sortis du métro à la station Gobelins du coté du boulevard Saint Marcel. Cet aménagement anxiogène situé sur le parcours de la ligne de bus 91 a plombé ma campagne, très nettement, mais qu’importe. Les politiques de tout bord ont été déficients, mais il ne s’agit pas ici d’attribuer les bons ou mauvais points, les électeurs s’en sont chargés. En relisant les procès-verbaux des réunions publiques, je m’étais demandé comment avons-nous pu laisser les fonctionnaires se dépêtraient seuls ? Il revenait aux politiques d’assumer clairement leurs responsabilités. Qu’un élu se défoule sur un fonctionnaire faute d’avoir sous la main le donneur d’ordre est insupportable. Les élus d’arrondissement attendent-ils d’un fonctionnaire un loyalisme actif ou passif ? Faute de clarification, celui-ci ne risque-t-il pas d’être toujours considéré dans son tort ? La collectivité a failli et a une dette vis-à-vis de l’un d’entre eux et les élus devraient être plus formés à la gestion du personnel.

Il s’avère qu’une récente enquête menée par un cabinet auprès de 112 élus territoriaux délégués aux ressources humaines souligne que l’arsenal législatif en vigueur (et notamment les jurisprudences communautaires relevant de la CJCE et de la CJDH) rend la gestion du personnel de plus en plus complexe. Les élus en charge des ressources humaines se plaignent du fait de manquer de disponibilité (faute d’un statut de l’élu adéquat) et de moyens humains. Parmi leurs principales préoccupations, la santé au travail et la prévention des accidents s’avère être la plus importante, avec en arrière fond, un risque de pénalisation accrue du droit du travail.

Devant la banalisation du droit de la fonction publique avec le droit du travail concernant la sécurité au travail, force est de constater que les élus territoriaux ne sont pas toujours bien informés de leur sortie de la juridiction d’exception et de leur entrée dans le droit commun de la responsabilité pénale depuis 1993. Ainsi le code pénal modifié par les lois précitées stipule : «Il y a également délit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte-tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.». Si l’élu est responsable des agissements de ses agents « inconséquents », rappelons que depuis la loi Le Pors de 1983 renforcée par la loi du 16 décembre 1996, les élus employeurs ont la responsabilité de protéger les fonctionnaires particulièrement exposés aux comportements agressifs des usagers. Ces agissements sont de plus en plus fréquents face à la résurgence d’une précarisation sociale (ex. : effet pervers de la loi Dalo devant la file des demandeurs de logement) ou de la part d’une population de bobos de plus en plus exigeante et impatiente. Olivier dirait à sa manière que «les adeptes du cocooning prêtent davantage attention aux états d’âme de leurs animaux domestiques ou à la croissance de leur bonzaï qu’à connaître le minimum des règles de fonctionnement d’un appareil administratif dont, pourtant, ils attendent monts et merveilles ». 

A chaque changement de mandature, on retrouve quelques âmes errantes en attente d’une quelconque affectation, négligées par leurs précédents élus atteints du « syndrome de Don Juan », plus détonnant qu’une simple « attitude Kleenex » particulièrement prégnante au sein d’une gauche complexée vis-à-vis de ses collaborateurs – L’autre espace de rencontre étant l’agence de l’ANPE où pointent aussi les anciens collaborateurs devenus élus, conseillers de Paris s’ils ont eu de la chance, ou simples conseillers d’arrondissement non indemnisés, ce qui demande une certaine dose d’abnégation – C’est devant la bibliothèque du Conseil de Paris que j’évoquai la situation de l’un d’entre nous qui s’était retrouvé convoqué par la police judiciaire suite à un incendie dans un immeuble vétuste ayant entraîné homicides. Si rien ne peut réellement nous préparer à faire face à ce genre de situation, un appui juridique et psychologique permanent devrait davantage être porté à connaissance. Je revis le collaborateur concerné par l’incendie plus tard chez moi. Nous ne vîmes pas le temps passer. Il arrive que le collaborateur ne puisse rien dire au moment des faits et reporte son travail de deuil. Lorsqu’un collaborateur de cabinet ou ancien collaborateur de cabinet fait l’objet de poursuites pénales pour des faits qui n’ont pas le caractère d’une faute détachable de l’exercice de ses fonctions, il appartient alors à la collectivité d’assurer sa défense, et ce dans la durée, quelques soient les aléas politiques liés à un changement de mandature. Il n’est pas inutile de le rappeler aux appareils politiques.

Il me disait en gros ceci « faut-il qu’il y ait des morts pour reloger les familles ? ». Quelle ne fut pas ma surprise de lire dans l’ouvrage « Des hommes d’Etat » de Bruno Le Maire, l’ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin évoquer lui aussi le drames de ces enfants défénestrés : «Qui se souviendra de ses morts ? Dans deux semaines, dans deux mois au mieux, on se grattera la tête pour se rappeler vaguement l’incendie de cet hôtel, ces femmes et ces enfants qui auront eu l’oubli pour destin ». La raison d’être des institutions consistent-elles à « faire vivre » ou exercent-elles « un droit de vie et de mort » sur les concitoyens, semblait me demander mon collègue ? Un début de réponse à sa question se situerait sans doute dans la maxime utopiste et productiviste de Saint Simon : « Au gouvernement des hommes, il faut substituer l’administration des choses. » Reste qu’en matière de logement, chaque institution se défausse de ses responsabilités et qu’en attendant, la production de logements sociaux n’a pas suivi. Le problème est certes plus complexe qu’une absence de logements décents pour tous et  le non respect des normes incendie, il en va aussi des relations nord-sud et la politique d’immigration, de la République et des conflits interethniques…

___ 

Le Maire B., Des hommes d’Etat, Grasset, 2007.

En 2005, il y eu trois incendies meurtriers à Paris affectant durement des familles : Hôtel Paris-Opéra le 15 août 2005, bd Auriol le 25 août 2005, Roi Doré le 29 août 2005.

27 février 2009

Plan de relance : la fin des commissions d’appels d’offres

Publié par alias dans Droit public & pénal

Je me souviens avoir suivi une formation continue à l’IRA de Lille début 2004 dans laquelle des hauts fonctionnaires nous ont dit « voici la réforme du code des marchés publics (CMP), mais attention, rien n’est moins sûr ». En fait, le CMP change tous les deux ans. 

Une fois n’est pas coutume, le code des marchés publics 2004 était en avance sur son temps puisqu’il avait été adopté le 7 janvier 2004, or les directives européennes marchés publics furent adoptées le 31 mars 2004. Le code n’étant pas conforme au droit communautaire,  une nouvelle réforme, dont la date butoir était en principe fixée au 1er janvier 2006, était rendue nécessaire. Le nouveau code des marchés publics fut introduit par décret n°2006-975 du 1er août 2006 complété par la circulaire d’application du 4 août 2006. Il entra en vigueur le 1er septembre 2006.

La personne publique devenait le « pouvoir adjudicateur », l’entreprise candidate « l’opérateur économique ». La réforme permettait entre autre de faciliter l’accès des PME aux marchés (quotas, technique de l’allotissement, avance forfaitaire, actualisation des prix après l’adjudication, référence non obligatoire) et renforçait les objectifs de développement durable (dématérialisation des procédures « e-procurement », clause environnementale).

Elle prévoyait un délai de transition entre les différents codes et introduisait de la souplesse pour les pouvoirs publics (seuils facultatifs pour les bons de commande, possibilité de recourir à une procédure adaptée en cas d’offre infructueuse, sans suite ou inachevée pour les lots inférieurs à 80 000 euros pour les marchés de fournitures et services, à 5 270 000 euros pour les marchés de travaux).

C’est alors que le 4 décembre 2008 lors de son discours de Douai, le Président de la République annonça une réforme du code des marchés publics afin de soutenir le plan de relance, tandis que Bercy s’attelait depuis plusieurs mois à simplifier et actualiser la législation. Il s’ensuivit deux décrets d’application pris le 19 décembre 2008.

Pour répondre aux éventuelles interrogations des collectivités locales, Catherine Bergeal, Conseiller d’Etat, Directrice des affaires juridiques au Minefe organisera un dialogue en ligne le 5 mars. L’investigateur de la nouvelle réforme semble toutefois être son prédécesseur, Jérôme Grand d’Esnon, aujourd’hui avocat conseil dans le privé.

Il serait à l’origine du rapprochement du code des marchés publics et du droit européen (ordonnance du 2 juin 2005 et décrets d’application du 20 octobre et 30 décembre 2005). Europe et benchmarking, dématérialisation des procédures et concertation, sont devenus les maîtres mots du new management.

Que prévoit le nouveau CMP adopté le 1er janvier 2009 ?

Le seuil de 4.000 euros HT (réforme 2006) est relevé à 20.000 euros HT pour tous les achats en deçà duquel aucune publicité ni aucune mise en concurrence ne sont nécessaires. Tous les pays européens disposent d’un tel seuil qui se situe même à 60 000 euros HT en Autriche et en Irlande.

Le seuil de 90.000 euros pour tout achat de fournitures et de services ou toute opération de travaux ne change pas et continuera à faire l’objet d’une publicité préalable, contrairement à l’annonce de Nicolas Sarkozy. Jérôme Grand d’Esnon estime que la publication des avis dans la presse quotidienne régionale doit être préservée s’il l’on souhaite assurer la survie de ces médias. Le rapport sur la simplification des avis de publicité que le gouvernement doit présenter au Parlement dans les six mois (cf loi LPCIPP du 17 février 2009) sera « probablement rangé soigneusement dans un tiroir », a-t-il pronostiqué.

L’ancien directeur des Affaires juridiques de Bercy estime que les services dits « allégés » ne devraient pas être obligatoirement soumis à une procédure adaptée, point de vue apparemment non partagé par le Conseil d’Etat. Par contre, il reconnaît que le nouveau code modifie plus en profondeur les marchés de travaux.

Le plan de relance motivera des avancées pour les PME : un aménagement des avances exceptionnellement pour les marchés déjà notifiés ou notifiés en 2009, la réduction progressive des délais de paiement des collectivités territoriales, des parts de marché aux PME innovantes (décret de la loi LME), et à terme, la révision des prix pourrait prochainement devenir la règle sur les marchés de plus de trois mois soumis à forte variation (décret en cours de préparation), la directive Recours aura des incidences financières pour le pouvoir adjudicateur (ordonnance en cours), les contrats « in House » entre collectivités et établissements publics sont attaqués par Bruxelles et les contrats de partenariat PPP plutôt encouragés.

La situation économique motiverait-elle la fin des commissions d’appel d’offre ? Concernant les collectivités, la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés du 17 février 2009 élargit les possibilités de délégation à l’exécutif d’une collectivité.

Le système des délibérations successives de la commission d’appels d’offres (CAO) puis de l’assemblée délibérante pour l’attribution des marchés pourra être supprimé sans condition de montant.   La réforme prévoit le recours à la commission des marchés publics de l’Etat pour les collectivités territoriales….mais aussi…la suppression de la CAO pour l’Etat et les établissements de santé (décret du 19 décembre 2008).

Les modifications du code des marchés publics fluidifient donc les procédures mais diminuent en contrepartie la transparence et la collégialité des prises de décision. Légalement, un groupe politique minoritaire aura donc moins « facilement » accès à l’information, ne parlons même pas des élus d’opposition. 

Par ailleurs, il ne faudrait pas que cet assouplissement puisse donner aux acheteurs publics et aux entreprises le signal d’un abandon du formalisme. Liberté d’accès aux marchés, égalité de traitement des candidatures et transparence des procédures devront continuer à s’imposer. 

La réforme met un terme au système des doubles enveloppes, soit, toutefois, l’ancien Directeur juridique de Bercy regrettera que la France soit « le seul pays européen à refuser l’ouverture publique des enveloppes » lors des appels d’offres. Il considère qu’une telle pratique serait une garantie de transparence pour la procédure…

Interrogée par l’association pour l’achat du service public sur une éventuelle dépénalisation de la commande publique, la nouvelle directrice de la DAJ, a contrario, s’est montrée « favorable à une éventuelle suppression du délit de favoritisme, mais pas à la dépénalisation de la corruption ».

20 février 2009

Comment lutter contre la délinquance financière ?

Publié par alias dans Droit public & pénal

Eva Joly fut juge d’instruction dans l’affaire Elf et batailla contre les paradis fiscaux. Aujourd’hui, elle conduit la liste des européennes  »Europe Ecologie Ile-de-France », en tant que binôme tête de liste avec Daniel Cohn-Bendit. Son livre « Notre affaire à tous » un peu ancien n’a rien perdu de son actualité. Elle ouvre son propos en faisant référence aux trois étages de la justice imaginée par Fernand Braudel dans « Civilisation matérielle, économie et capitalisme » : Le premier étage de la subsistance et le troisième étage de l’économie-monde n’obéissent pas à la loi ; seul le second étage de la majorité des citoyens reconnaît la légitimité des contraintes sociales. Michel Foucault dans « Surveiller et punir » a montré comment la justice se polarise sur les « illégalismes de biens » (1er étage) tout en négligeant les « illégalismes de droit », celui des cols blancs (3e étage). L’idée que la justice puisse être réparatrice est considérée comme dépassée. Ainsi, est-il vain de s’attendre à un quelconque acte de repentir de la part des délinquants financiers. La justice, en réprimant les criminels, viserait surtout à conforter les honnêtes gens (Durkheim). Mission accomplie ? 

Déjà, les « finesses des citadins » (1888), soit la « délinquance en col blanc » selon l’expression inventée par Edwin Sutherland (1933), étaient insuffisamment sanctionnées. Et cela ne s’est pas amélioré. En 2000, 95% des délits financiers restent impunis. Un « délinquant astucieux » encourt tout au plus 5 années de prison maximum, ramenées à deux années en cas de bonne conduite, autant dire, pas grand-chose au vu des sommes convoitées. Eva Joly liste ainsi tous les paradis fiscaux existants et explique les méthodes peu scrupuleuses employées. Au moment de la parution de son ouvrage en 2000, un sixième des avoirs bancaires du monde sont domiciliés aux îles Caïmans. Ce territoire de 35 000 habitants abrite officiellement plus de 30 000 entreprises, et ce, en toute impunité. La mission semble avoir échoué. Quelles en sont les causes et existent-ils des pistes éventuelles pour y remédier ?

Le gouvernement peut enjoindre, par instruction écrite, la justice d’engager des poursuites. Eva Joly nous explique que « la pratique historique a surtout été des instructions verbales de ne pas poursuivre ou de retarder les poursuites, ce que les textes ne prévoient pas ». Le fait est que le gouvernement n’a pas forcément envie de s’en prendre aux entreprises du CAC40. L’image donnée de la justice est celle d’une « République du verbe », sans moyens d’enquête adaptés, ce qui vaudra à la France d’être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour non respect du délai raisonnable de jugement. Eva Joly précise que le juge d’instruction n’est pas aussi libre qu’on l’imagine, il doit demander un supplétif au parquet s’il souhaite élargir son champ d’investigation. Le parquet accompagne l’instruction, contrôle les moyens qui lui sont alloués et peut décider librement d’arrêter l’enquête s’il n’en voit plus l’utilité. Sans la collaboration de la police et du parquet, elle reconnaît que son action à l’encontre des sociétés écrans aurait été fortement diminuée. Cette inertie du système judiciaire est partagée : le parquet de Rome fut surnommé « le port des brumes ». Il est fréquent qu’en France, le débat sur la prescription de l’abus de biens sociaux revienne à la surface. C’est une façon comme un autre d’enterrer les dossiers et d’accroître le sentiment d’irresponsabilité.

Elle souligne la nécessité de renforcer la collaboration du juge d’instruction avec la direction générale des Impôts et les Renseignements généraux. Pour suivre les flux financiers qui ne se cantonnent pas aux frontières, les juges doivent prendre une commission rogatoire internationale. La procédure était jusqu’alors fastidieuse et inopérante. Un espoir est né à Genève, nous dit-elle, avec l’arrivée du procureur général Bernard Bertossa : En 1996, sept magistrats européens lancèrent « l’appel de Genève pour un espace judiciaire européen ». Cet appel vise notamment à lever le secret bancaire lors d’une demande d’entraide internationale, sans qu’il y ait interférence du pouvoir exécutif et sans recours à la voie diplomatique. Fallait-il y voir la menace d’un gouvernement des juges ? Cela revenait surtout à accepter l’idée d’adapter notre système politique à la finance mondiale et d’adapter la finance mondiale à la politique ; mais les temps n’étaient pas encore mûrs, nous dit Eva Joly. Elle conclut son ouvrage par l’impact de la marée noire de 1999 sur la côte Atlantique : « Cet accident a été, à l’image de la finance mondiale, le royaume des non-coupables »…

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Nb : Le Président de la République annonça la suppression du juge d’instruction. Cette annonce précipitée est surprenante sur la forme et sur le fond. Sur la forme, parce que la Commission Léger installée par la ministre de la Justice, chargée de proposer une réforme de la procédure pénale, n’a pas encore rendu ses conclusions au moment de l’annonce présidentielle. Sur le fond, parce que la suppression du juge d’instruction a été envisagée à plusieurs reprises sans jamais être retenue. La Commission Outreau avait préconisé une réforme de l’instruction passant par la collégialité et la création de pôles de l’instruction. Cette réforme fut votée par nos parlementaires en mars 2007.

Joly E., Notre affaire à tous, Les arènes, 2000.

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