La préemption : une arme de dissuasion spéculative ?
Selon un article de la lettre du cadre territorial, la commune de Saint Ouen a élaboré un PLH avec un objectif de 40% de logements sociaux. Afin d’atteindre cet objectif, le DPU est vécu comme un outil efficace de négociation.
La Maire (PC) de Saint Ouen a signé une charte avec les promoteurs immobiliers en 2005, laquelle fixe des règles en matière de qualité du bâti, de prix et de propriété occupante : chaque logement doit être vendu 10% moins cher que le prix du marché dans le quartier et une diminution supplémentaire de 10% devra être accordée aux bénéficiaires de PTZ ; pour éviter la spéculation, 70% des logements de chaque programme devront être vendus à des propriétaires occupants et les acheteurs seront engagés par des clauses anti-spéculatives visant à encadrer le prix d’une revente éventuelle au cours des neuf premières années.
Mais surtout, toutes les transactions immobilières supérieures de 10% aux prix du marché sont susceptibles d’être préemptées. Leur démarche se fonde sur l’estimation du service des Domaines. Un accompagnement renforcé est opéré par les services de la réglementation urbaine. Sa mise en œuvre a, dans plus de 50% des cas, permis au vendeur de renoncer à la transaction en retirant son bien à la vente ou d’accepter de renégocier à des conditions de prix plus raisonnables.
On peut supposer que cette politique nécessite un fléchage budgétaire conséquent (acquisition des DIA de 10% supérieures au prix du marché, effectif du service de la réglementation urbaine). Le principal risque indirect pourrait être celui de la rétention foncière, voire de faire fuir les investisseurs un peu gourmands (mais est-ce un mal ?). De plus, les tribunaux auraient condamné la commune pour sa démarche (la préemption a pour but la réalisation d’un projet). Toutefois, force est de constater que le recours au DPU a permis à la Commune de créer un prix de référence modéré et d’empêcher les prix du privé de s’envoler.
Une étude de Jean-Philippe Brouant du Cerdeau « foncier public et production de logements » de février 2012 publiée par la Gazette des communes, précise que des dispositifs d’encadrement des cessions existent lors de la mise en œuvre des droits de préemption spécifiques : PENAP selon l’article L 143-5 et R.143-9 du code de l’urbanisme ; fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux selon la loi du 2 août 2005 et l’article L 214-1 du code de l’urbanisme.
Les acquéreurs doivent s’engager à respecter le cahier des charges approuvé par la commune sous peine de résiliation de la rétrocession. L’intérêt de ces dispositifs est de permettre à la collectivité publique – par la simple propriété provisoire transitoire d’un bien – de grever ce dernier d’une forme de « servitude d’affectation » et de s’assurer que l’usage de ce bien réponde aux finalités d’intérêt général poursuivies par la collectivité publique. Celle-ci joue alors le rôle selon Jean-Philippe Brouant d’«agitatrices de propriété».
La loi de 1953 prévoyait déjà, qu’en cas de refus ou de carence des propriétaires dormants mis en demeure de construire par le Préfet, ce dernier pouvait mettre aux enchères publiques le terrain concerné avec un cahier des charges encadrant l’utilisation du bien. De tels mécanismes n’existent cependant pas en ce qui concerne la mise en œuvre du DPU.
Le groupe de travail « stratégies foncières » au sein du comité « urbanisme de projet » proposait d’intégrer, en cas de vente à une personne privée, une clause d’engagement dans l’acte de vente permettant à la collectivité de s’assurer que le bien sera utilisé pour un objet relevant de l’article L 210-1 du code de l’urbanisme.
Le Cerdeau se demande alors pourquoi ne pas se montrer plus exigeants et imposer une affectation un peu plus précise que la liste mentionnée à l’article L 210-1.
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Article L210-1 du code de l’urbanisme
Modifié par LOI n°2009-323 du 25 mars 2009 – art. 39
Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement.
Pendant la durée d’application d’un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l’Etat dans le département lorsque l’aliénation porte sur un terrain, bâti ou non bâti, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l’objet de la convention prévue à l’article L. 302-9-1 précité. Le représentant de l’Etat peut déléguer ce droit à un établissement public foncier créé en application de l’article L. 321-1 du présent code, à une société d’économie mixte ou à un des organismes d’habitations à loyer modéré prévus par l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation. Les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa doivent être utilisés en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l’habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l’article L. 302-8 du même code.
Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d’une zone d’aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l’acte créant la zone.
Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu’elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l’habitat ou, en l’absence de programme local de l’habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu’elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu’il s’agit d’un bien mentionné à l’article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d’intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine.
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