Les établissements publics fonciers locaux (EPFL)
« La question foncière” est apparue dans un contexte marqué par la croissance urbaine à l’aune des 30 glorieuses. C’est ainsi que des établissements publics fonciers virent le jour dès 1962, dans un premier temps pilotés par l’Etat (Région parisienne, Seine Normandie, Métropole Lorraine).
Grâce à leur politique d’anticipation foncière, ces EPIC facilitèrent l’aménagement de villes nouvelles, de zones industrielles-portuaires et touristiques dans les années 70. Cet outil fut préféré aux SEM, lesquelles auraient alors été suspectées d’éventuels profits spéculatifs et entrent dans le champ concurrentiel, bien que détenues majoritairement par les pouvoirs publics (50 à 85% du capital).
Depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, on distingue dorénavant les établissements publics d’aménagement d’Etat, qui peuvent réaliser toutes les opérations d’aménagement prévues par le code de l’urbanisme et les acquisitions foncières nécessaires, des établissements publics fonciers qui peuvent réaliser les acquisitions foncières et les opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l’aménagement ultérieur des terrains.
Puis la loi du 13 juillet 2006 créa les sociétés publiques d’aménagement (SPLA), sociétés anonymes dont le capital détenu au minimum par 2 collectivités est à 100% public, puis les sociétés publiques locales (SPL) en 2010 dont le succès est escompté, et peut-être prochainement la sociétés locales de partenariat (SLP), dans lesquelles le secteur public serait minoritaire (34 à 39% du capital) et pour lesquelles l’avenir serait plus incertain. Preuve s’il en est que les pouvoirs publics souhaitent garder la maîtrise de l’aménagement et donc de la planification.
Progressivement, les collectivités locales s’emparèrent de la question. En 1976, le Conseil Général du Puy de Dôme et les communes de l’agglomération clermontoise lancèrent le premier syndicat mixte d’action foncière, mais il fallut attendre la LOV du 13 juillet 1991 pour que les collectivités se saississent véritablement du sujet, soit 10 ans après les premières lois de décentralisation.
Dans un nouveau contexte marqué par la métropolisation des territoires, de nombreuses communes décidèrent de se doter d’un Etablissement public foncier local, avec cette fois-ci pour objectif de pallier aux déséquilibres sociaux de leur territoire. Il faudra attendre la loi SRU du 13 décembre 2000 pour que les Départements et Régions puissent être associés dès le départ au processus.
Par ailleurs, la loi LOADDT du 25 juin 1999 imposera un volet foncier dans les futurs contrats d’agglomération, ce qui poussa de nombreux EPCI à créer leur propre établissement foncier entre 2002 et 2007 (CA Grenoble Alpes métropole, CA Dijon, CA Grand Toulouse, CA Perpignan-Méditerranée, Savoie-Chambéry Métropole…) et des observatoires fonciers sont en cours de création (Grand Dijon, Grand Avignon…). La communauté urbaine serait la bonne échelle selon le Directeur de l’Association des études foncières.
Ces EPFL ont pour mission de mener les études nécessaires à la maîtrise foncière, à réaliser des opérations d’achat, de portage, de gestion et de remise en état des terrains (dépollution), de revendre les terrains aux collectivités ou à leurs opérateurs et de conseiller les collectivités (ingénierie technique et financière, expertise). Ils peuvent ainsi agir par voie d’aquisition à l’amiable, par voie d’expropriation (DUP) ou encore par voie de préemption pour le compte des collectivités (sur les ENAP notamment).
Depuis la loi ENL du 13 juillet 2006, ces établissements devraient pouvoir s’appuyer sur la base OEIL (observatoire des évaluations immobilières locales) et la base BNDP du projet Copernic (base nationale des données patrimoniales).
Le financement des EPFL est généralement assuré par un portage des collectivités sur les 6 à 8 premières années avant qu’ils n’arrivent à s’autofinancer, par les emprunts et recettes pour prestations rendues et par des produits fiscaux.
Certaines collectivités ont souhaité prélever une taxe spéciale d’équipement (en moyenne 6,2 euros/habitant/an – maximum 20 euros/habitant/an) quand d’autres ont préféré adosser les recettes sur les droits de mutation à titre onéreux (en moyenne 15% des droits de mutation). Enfin, certains EPCI ont décidé de réaffecter les produits des prélèvement sur les ressources fiscales des communes assujetties au 20% de logements sociaux de la loi SRU mais ne les respectant pas.
L’établissement devra respecter le SCOT, le PLU-PLH ainsi que le plan de mandat (PPI) de la collectivité. En principe, ses interventions sont encadrées par des conditions d’information préalable et de transparence : Aucune opération ne peut être réalisée sans l’avis favorable de la commune sur le territoire de laquelle l’opération est prévue. Cet avis est réputé donné dans un délai de deux mois à compter de la saisine de la commune. Lorsque l’EPF intervient dans une commune membre dans le cadre d’une convention passée avec cette dernière, cette convention vaut avis pour les actions foncières prévues par ladite convention.
Mais à l’heure où l’on reproche aux collectivités locales le surcroît de strates si peu lisibles et si peu accessibles aux concitoyens, est-il judicieux de créer une énième personnalité morale ? L’EPFL traduit-il un empilement de compétences trop technocratique et trop coûteux, ou est-ce un outil au service d’une meilleure coordination institutionnelle, d’autant plus utile lorsque la maîtrise foncière est partagée entre plusieurs collectivités sur un même territoire ? Et dans ce cas, quel serait l’échelon pertinent : régional, intercommunal ou départemental ?
Tout est une question de vision politique et de moyens (humains et financiers) que l’on souhaite affecter à la maîtrise de l’étalement urbain et sa politique de réserve foncière. Les opportunités foncières peuvent en effet atteindre 20 à 25% du coût de la construction lorsqu’il s’agit de logement social, voire de 50% s’il s’agit d’une maison individuelle.
Le droit de préemption urbain (bien que les DIA ne représente que 1 à 2% des transactions immobilières) est utile si l’opération s’intègre dans un projet prévu dans le cadre du plan de mandat, d’autant que la jurisprudence administrative exige une préemption fondée sur un projet existant précis (Le rapport du Conseil d’Etat de 2007 rédigé par Jean Pierre Duport propose la création d’un “droit de préférence”, toujours motivé par l’intérêt général, mais sans projet précis). Passées 5 années après acquisition, la collectivité peut cependant disposer du bien comme elle l’entend.
Lorsque le projet concerné est décidé et afin d’éviter la mobilisation de foncier difficile à entretenir sur la durée, la collectivité peut aussi recourir à l’acquisition amiable ou à l’aide d’une DUP si nécessaire. Il n’est cependant pas dit qu’en cas d’échec sur la négociation, le prix de la DIA n’ait pas flambé, mais la négociation en temps réel présente l’avantage d’éviter des dépenses inutiles ou prématurées.
Quant aux biens expropriés, ils doivent avoir reçu dans les 5 années la destination initialement prévue, à défaut, sauf nouvelle DUP, les propriétaires peuvent exiger la rétrocession de leurs biens.
Pour les réserves foncières (DPUR), les enveloppes budgétaires doivent être consacrées à des interventions sur des secteurs stratégiques, par anticipation grâce à l’inter-SCOT (dense) et au PLU (secteurs de mixité sociale), lesquels s’élaborent en général de pair et non l’un avant l’autre.
Pour ce qui est du logement social, l’EPCI peut prendre à sa charge le foncier en le mettant à disposition des petites communes et financer des réhabilitations en logements conventionnés. Les pouvoirs publics peuvent aussi créer des zones d’aménagement concerté ou différé (ZAC/ZAD) et établir une péréquation dans une opération d’aménagement entre le logement social et le logement privé par une négociation avec les aménageurs privés.
Concerter les acteurs (cabinet d’études, aménageur, promoteur) le plus en amont permet de mieux cibler les attentes au regard du foncier disponible et définir ensemble le plan-masse (cf réseau APPEL des éco-entreprises de la Région Rhône-Alpes).
Enfin, dans un rapport sur le DALO, le CESE propose pour financer le logement social, de taxer le stock de terrains nus constructibles et d’imposer aux communes qui ne respectent pas l’article 55 de la loi SRU de prendre en charge la différence entre le loyer payé et le loyer social applicable au demandeur.
Pour ce qui est du premier point, la loi Borloo du 13 juillet 2006 donne déjà la possibilité aux collectivités de majorer la valeur locative des propriétés non bâties classées en zone urbaine (maximum 3 euros/m2 – cf conseil municipal d’Autun).
Et comme l’a souligné Alain Juppé lors de la conférence des villes 2010, dans un contexte financier difficile pour les collectivités locales, on peut s’étonner du fait que l’Etat réalise de trop fortes plus-values sur les produits de cessions de son patrimoine immobilier aux collectivités locales désireuses d’augmenter leur parc de logement social.
En 2007, le gouvernement avait annoncé un “plan de mobilisation foncière” permettant d’ici 2012 la mise en chantier de 60 000 logements sur des terrains publics à céder, sachant qu’en 2006, la loi d’engagement national pour le logement avait porté la décote de la valeur des terrains à 35% dans les zones tendues. Or, il semblerait que l’Etat soit tiraillé entre ses objectifs de cohésion sociale et ses objectifs de réduction budgétaire/fiscale.
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