Les Halles ou la ville-miroir
Ce quartier subissait mauvaise presse. Il avait pourtant du caractère. Les réunions publiques révélaient des personnages hauts en couleur, une atmosphère moite et chaude à la fois que je ne retrouverai nulle part ailleurs. J’aurais préféré que les médias axent leur approche sur les périphéries et non sur les quartiers centraux, à moins de considérer que les Halles puissent être un concentré de périphéries ?
Chacun s’accordera pour dire que la crise des banlieues a de multiples origines tant il est complexe de s’exprimer à bon escient sur ce sujet. Les pouvoirs publics n’ont pas su gérer l’exode rural ni anticiper la flambée de l’immobilier. A l’aune des trente glorieuses, une nouvelle civilisation urbaine était en train de naître, fondée sur l’incontournable automobile et centre commercial à l’américaine. Or les transports en commun surchargés, le stress engendré par des déplacements quotidiens de plus en plus longs, les conséquences sur la vie de famille, sur l’équilibre des enfants, tous ces aspects n’avaient pas été perçus.
Après une longue période d’aveuglement, les politiques n’ont cependant pas eu d’autres choix que de s’attaquer à ces questions, notamment en adoptant les premiers contrats de ville en 1989, devenus CUCS en 2007. Si la politique de la ville a souvent ouvert des espaces d’actions et d’initiatives, facilitant la coopération entre acteurs, elle n’a cependant que très rarement débouché sur des solutions durables. Encore aujourd’hui, les résultats de la politique conduite par Fadela Amara, Secrétaire d’Etat à la politique de la Ville, sont pour le moins mitigés et restent déconnectés des actions menées par les collectivités territoriales, sans compter sur le fait que les élus locaux durent se mobiliser pour que soit maintenue la Dotation de Solidarité Urbaine.
La principale faiblesse de cette politique fut probablement d’avoir été dévoyée de sa finalité : pensée pour compléter les structures républicaines, les renoncements successifs de l’Etat, en matière d’éducation, de protection sociale, d’aménagement du territoire, de stimulation économique ou de la prévention de la délinquance ont finalement contraint, pour ne pas dire acculé, les collectivités locales à pallier à ces manquements. Les émeutes de novembre 2005 ont manifesté avec éclat la rupture entre les politiques de rénovation urbaine et les fractions les plus démunies de la population. La réaction de la jeunesse fut particulièrement visible.
Laissée en marge d’une société de plus en plus conservatrice et repliée sur elle-même, elle multiplie emplois précaires et stages sous payés. Confrontés à un système qui semble se reproduire et constatant la panne de l’ascenseur social, les plus jeunes désertent l’école. C’est alors que les lieux de centralité commerciaux, pour vides de sens qu’ils soient, se chargent de symbolique et deviennent de véritables aimants, points nodaux de cette société du toujours plus avoir, des fringues de marques, de la consommation de masse et de l’éphémère.
C’est alors que la cohésion sociale ne pourra être garantie que par le basculement de notre société matérialiste et du paraître vers une société du savoir, impliquant l’ensemble de la société civile et le milieu universitaire. La verticalité des modes de décisions laissera alors place à de nouveaux modèles alternatifs, plus horizontaux, fonctionnant en réseaux, afin que chacun puisse contribuer à son développement et transmettre sa propre d’expertise d’usage.
La ségrégation urbaine n’est pas la conséquence d’une inertie sociale, mais le résultat de processus de mobilité stratégiques par lesquels les classes sociales se fuient sourdement. Les politiques de zonage ont montré leur limite. C’est pourquoi, les politiques de la ville doivent se déprendre du territoire comme catégorie d’actions et agir au niveau de la socialisation des individus, en facilitant les mobilités individuelles et multi temporelles, tout en veillant à ne pas promouvoir une métropole hyperactive et consumériste 24h/24.
Il est certain que les mobilités des jeunes adultes mais aussi des femmes, fragilisées dans leur accès à l’emploi en période de crise, cumulée au faible partage des tâches ménagères en France, doivent être plus particulièrement facilitées par les pouvoirs publics. Mais si la mobilité spatiale dans la vie quotidienne est un droit, ne perdons pas de vue la nécessité de réduire les effets négatifs de la mobilité individuelle sur l’environnement.
L’urgence sociale et environnementale nécessite certes, non seulement la mise en place d’un système de transports à la demande, mais aussi et surtout, l’extension du réseau de transports en commun (arc express) lieux de sociabilité susceptibles de désenclaver les quartiers. Il importerait donc davantage à l’Etat d’assumer ses responsabilités quant aux financements des transports en commun dans les territoires politiques de la ville.
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