Le temps, la ville et l’urbaniste

7 octobre 2010

Code de déontologie – éthique kantienne

Publié par alias dans Droit public & pénal

Entre éthique artistotélicienne et éthique spinoziste, l’éthique kantienne semble avoir reçue les faveurs de l’auteur. Martin Hirsch conclut son ouvrage sur la nécessité de voter une loi afin de prévenir les conflits d’intérêts et formule une série de propositions préventives s’adressant au champ politique. Son objectif consiste à obtenir une régulation et donc à encadrer les pratiques suivant une éthique procédurale.

Etonnant comme les journalistes se complaisent à pourfender Jean-François Copé et Gérard Longuet, sans jamais aborder sur le fond les propositions soulevées par Martin Hirsch. S’appuyant sur les travaux de l’ONG Transparency International et sur la loi Canadienne votée en juillet 2007, son répertoire d’actions est pourtant le suivant  : déclarations d’intérêts obligatoire (comprenant l’ensembles des sources de rémunération, les activités des conjoints et enfants, la nature des actifs financiers…) ; enseignement des conflits d’intérêts  à l’ENA et dans les autres écoles de la fonction publique ; nomination d’un haut commissaire aux conflits d’intérêts comme au Canada ou à défaut élargissement du champ de compétence de la commission pour la transparence  financière de la vie politique ; interdiction de certains cumuls de fonction pour les parlementaires et plafonnement des rémunérations ; disposition anti-cadeaux pour les responsables publics avec un montant maximal (500 euros?) ; circulaire aux responsables  publics sur les conflits d’intérêts en attendant la loi ; code éthique des conflits d’intérêts en cours d’élaboration au Conseil d’Etat ; dans le secteur privé, prévention des conflits d’intérêts renforcés par un régime d’incompatibilité entre certaines fonctions, sous le contrôle de l’AMF ; agir.

Il oubliera de préciser que les agents de la fonction publique sont déjà soumis à toute une série de règles déontologiques dont l’essentiel a été fixé par la loi du 13 juillet 1983 relative au statut général des fonctionnaires. Cela inclut la déontologie financière : Le droit pénal et les chambres régionales des comptes fixent des règles aux comptables publics. Il en va ainsi d’infractions telles que la corruption ou la prise illégale d’intérêt, ou des principes de droit budgétaire comme la sincérité et la prudence. Ils sont également tenus au secret professionnel, dans le cadre des règles fixées par le Code pénal. Ils doivent également faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions ; élément qui sera reproché à Martin Hirsch. Enfin, créée en 1995, la commission de déontologie rattachée au 1er Ministre contrôle le départ des agents publics qui souhaitent exercer dans le secteur privé ou dans le secteur public concurrentiel.

L’intervention de la commission de déontologie risque d’être accrue depuis que le gouvernement Fillon a décidé de faciliter les passages entre secteur privé et public (cf ouvrage de F.Fillon « La France peut supporter la vérité ») suivant les bons précepts du NPM, tant redoûté par le club rocadiens Convictions car cela induit une politisation des hauts fonctionnaires. Concernant le cumul d’activité, les fonctionnaires ne peuvent en principe, exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Toutefois, des dérogations sont initialement prévues à ce principe (enseignement, activité artistique), renforcées depuis la loi relative à la mobilité dans la fonction publique du 3 août 2009 qui ouvre la possibilité de cumuler des emplois permanents à temps non complet relevant de plusieurs fonctions publiques à titre expérimental et pour cinq ans ; exercer à titre professionnel une activité privée lucrative pendant deux ans avec possibilité de prolongation d’un an si l’agent crée ou reprend une entreprise ; bénéficier de conditions assouplies de cumul d’activités avec une activité privée lucrative pour les agents à temps non complet.

La loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a remplacé les trois commissions de déontologie qui existaient pour chacune des trois fonctions publiques, par une commission unique composée de quatre formations spécialisées. Présidée par un conseiller d’Etat  (Olivier Fouquet), la commission compte des membres communs aux formations spécialisées : un magistrat de la Cour des comptes, un magistrat de la juridiction judiciaire, deux personnalités qualifiées dont l’une doit avoir exercé des fonctions au sein d’une entreprise privée ; elle comprend également l’autorité administrative dont relève l’agent concerné, ainsi que deux personnalités éminentes de la FP auquelle appartient l’agent. Les membres de la commission sont nommés pour trois ans par décret, sur proposition du ministre chargé de la Fonction publique ou du ministre intéressé. Elle donne également un avis sur les situations des agents cumulant une activité privée dans une association ou une entreprise. La loi du 3 août 2009 a prévu une possibilité d’auto-saisine pour cette commission.

La saisine de la commission de déontologie est obligatoire lorsque l’agent qui souhaite partir dans le secteur privé a été effectivement chargé dans le cadre de ses missions publiques, au cours des trois années précédant la demande, soit de surveiller ou contrôler une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée (ou même seulement formuler des avis sur ces contrats) ou encore, de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée. La saisine de la commission est également obligatoire dans le cadre du contrôle du départ ou de la collaboration des agents du secteur de la recherche, vers une entreprise privée. Enfin, en cas de cumul d’activité publique avec la création, la reprise ou la poursuite d’une activité au sein d’une entreprise ou d’une association, la commission doit examiner la déclaration de cumul.

Ainsi, depuis 2009, l’obligation de saisine de la commission de déontologie est limitée aux seuls cas particulièrement susceptibles de constituer une « prise illégale d’intérêt » sanctionnée pénalement. La saisine est facultative lorsque l’agent public qui envisage d’exercer une activité privée n’a pas contrôlé ou surveillé une entreprise privée, ni passé des contrats avec elle, ni proposé de décisions la concernant. La commission de déontologie n’intervient pas en cas de cumuls d’une activité publique principale avec une activité publique accessoire : seule l’autorisation de l’administration est requise.

En cas de départ d’un agent vers le secteur privé, l’intéressé en informe par écrit l’autorité administrative en charge de sa gestion. Lorsque la saisine de la commission est obligatoire, l’autorité compétente l’effectue dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle elle est informée. L’agent peut également saisir directement la commission, à condition d’en informer l’administration gestionnaire. En cas de saisine facultative, le délai par l’agent ou par l’autorité administrative est plus long : il est d’un mois. En cas de création ou reprise d’une entreprise, l’agent présente une déclaration écrite à son administration deux mois avant la date de création ou de reprise.

La commission émet un avis sur la compatibilité de l’activité privée envisagée et les fonctions publiques exercées par l’agent, en principe dans un délai d’un mois. L’absence d’avis pendant ce délai vaut avis favorable. L’avis est transmis à l’autorité dont relève l’agent, qui informe celui-ci sans délai. Le président de la commission peut décider de rendre publics le sens et les motifs de l’avis rendu. Lorsque la commission se prononce sur le départ d’un agent vers le secteur privé, elle peut émettre un avis favorable, mais en l’accompagnant de réserves pour une période de trois ans suivant la cessation des fonctions. Si la commission prononce un avis défavorable, l’administration est liée par cet avis. Elle peut toutefois solliciter une seconde délibération de la commission. En revanche, en cas d’avis favorable, l’administration a toujours la possibilité de refuser la demande de l’agent lorsque son départ est contraire à l’intérêt du service ou aux règles statutaires. Dès lors que la commission de déontologie a été consultée et qu’elle n’a pas émis d’avis défavorable, l’agent public ne peut plus faire l’objet de poursuites disciplinaires.

***

Selon Wikipedia, l’éthique établit les critères pour agir librement dans une situation pratique et faire le choix d’un comportement dans le respect de soi même et d’autrui. La finalité de l’éthique fait donc d’elle-même une activité pratique. Il ne s’agit pas d’acquérir un savoir pour lui-même, mais d’agir avec la conscience d’une action sociétale responsable. Les rapports entre morale et éthique sont délicats, car la distinction entre ces deux termes eux-mêmes est différente selon les penseurs. Le droit se distingue de la morale et de l’éthique, dans le sens qu’il ne définit pas la valeur des actes, le bien/mal, le bon ou le mauvais. Il définit toutefois ce qui est permis et défendu par les pouvoirs d’une culture, dans une société humaine. 

Il faut tout d’abord identifier les valeurs, qui peuvent être contestées, existant au sein d’une communauté. La théorie s’articule autour de quatre vertus autrefois dites cardinales : La prudence, la force ou le courage, la justice et la tempérance. Cette formulation définitive se produit au 13e siècle, sous l’influence des ordres chrétiens franciscains et dominicains. La tradition chrétienne y a ajouté trois vertus dites théologales : la foi (dans la religion ou dans la raison), l’espérance (et la confiance dans perspectives historiques), la charité (ou la solidarité à l’égard des plus fragiles). Aujourd’hui, en France, la vertu  est considérée comme une qualité qui pousse l’homme et la femme à aller jusqu’à l’excellence élitiste (cf Philippe d’Iribarne « L’étrangeté française »). Pour ce qui seraient des valeurs de la fonction publique(loi Rolland), Jean-Ludovic Silicani a tenté de les définir dans son livre blanc sur le devenir de la fonction publique.

Il était une fois une éthique aristotélicienne onthologique. L’éthique est d’abord inséparable de l’histoire et de la philosophie, à tel point qu’il est encore courant de la confondre avec la philosophie morale et la religion. Il est traditionnel en philosophie de considérer la gouvernance de la cité comme un cadre naturel et comme un prolongement des commandements éthiques. Comme il est traditionnel de lier éthique et philosophie de l’action et ce depuis Aristote, dans la mesure où la théorie de l’action s’intéresse à certains problèmes fondamentaux pour l’éthique comme le jugement de la responsabilité de l’agent, de l’intentionnalité d’une action ou de la définition de ce qu’on appelle un agent. Ainsi, l’éthique théologique dans l’Antiquité était dominée par le concept de « vertu » et  met l’accent sur les buts et les finalités d’une décision.

Pour une éthique kantienne procédurale ? Descartes dans son discours de la méthode fut le premier prit nettement ses distances avec l’éthique antique, qu’il jugeait trop « spéculative ». S’appuyant sur une nouvelle métaphysique, il fonde une morale dans un sens beaucoup plus individuel. Le développement de l´éthique moderne se poursuit avec Kant et l’éthique déontologique : une réflexion critique sur les conditions de possibilité de la morale mettant l’accent sur le devoir. Selon Kant, on ne doit pas mentir pour éviter un meurtre, car l’obligation de dire la vérité est absolue et ne tolère aucune condition particulière.  S’inscrivant dans la même lignée, Rawls affirme qu’on ne peut plus se baser sur une seule notion commune, le bien. Cela implique alors l’établissement de règles plutôt abstraites afin d’admettre une généralité de différences. Quant à Jürgen Habermas, il considère qu’une solution à un conflit est légitime si et seulement si ceux qui sont concernés par ce conflit sont d’accord sur cette solution dans des conditions de paroles et de communication satisfaisantes. C’est pourquoi on parle d’éthique de la discussion ou de morale communicationnelle. Ainsi, c’est la procédure qui fait que la solution est ou n’est pas légitime.

Vers une éthique spinoziste relativiste. Si le terme « éthique » est synonyme de morale dans un sens « ordinaire », pourquoi le mot « morale » ne se rencontre-il pas une seule fois dans L’Éthique de Spinoza ? La raison en est que la morale consiste en un ensemble de régles idéalistes de type kantiennes, fictivement érigées en Bien et Mal absolus, ou encore un ensemble de devoirs qui s’imposent implacablement, alors que l’éthique est précisément la morale débarrassée de ses croyances superstitieuses absolutisant le relatif et de ses condamnations moralisatrices utilisées comme une arme contre les autres, dixit Constantin Brunner, philosophe juif allemand (1862-1937), héritier spirituel de Spinoza. L’éthique est donc aussi un raisonnement conscient et critique sur la moralité des actions, et peut par exemple légitimer certains actes médicaux généralement considérés « immoraux » comme l’euthanasie, l’avortement, le don d’organe, etc. 

Pour en savoir plus :

Éthique et responsabilité, Paul Ricœur, La Baconnière, 1995.

Éthique comme philosophie première. Emmanuel Lévinas. Éditions Payot & Rivages. 1998.

Deleuze G., Spinoza : immortalité et éternité, Gallimard, 2001. 

La Méthode 6. Éthique, Edgar Morin, Éd. du Seuil, 2004.

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