Le temps, la ville et l’urbaniste

5 octobre 2010

Le monde judiciaire face aux politiques

Publié par alias dans Droit public & pénal

Quelles peuvent bien être les relations entre le monde judiciaire et le monde politique ? Le droit bride-t-il l’initiative des politiques ou bien valorise-t-il l’action politique ? En parlant de l’essor du pénal, il est difficile de ne pas évoquer le procès des faux électeurs de Tiberi. Je suis allée au Tribunal Correctionnel assister à la première audience, pour comprendre de visu le fonctionnement de notre système judiciaire, et surtout, pour entendre le Procureur général de la République, exceptionnellement présent. Cette audience m’a fortement attristée, d’une part parce que nos institutions républicaines avaient sérieusement été entachées dans leur mode de fonctionnement, et d’autre part, parce qu’un ancien Maire gaulliste se retrouvait ainsi sur l’échafaud. Certes, il est fautif d’avoir fermer les yeux, si ce n’est d’avoir su négocier son silence en devenant Maire.

Une journaliste du Monde, Pascale Robert-Diard, relate le procès au travers une chronique judiciaire, dans laquelle elle déballe la petite cuisine interne de Tiberi et de ses dix comparses. Mais tout cela, nous le savions déjà. Or, ce qui reste le plus incompris, ceux sont les agissements de deux de nos institutions : le Conseil Constitutionnel et le Parquet. Pourquoi les juges d’instruction changèrent en cours d’instruction ? Pourquoi les juges d’instruction n’eurent pas accès au dossier du juge des élections (le Conseil Constitutionnel) ? Pourquoi les juges d’instruction évoquèrent le fantomatique « réquisitoire du Parquet » concluant à un non-lieu, dans leur ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel ? Il en demeure pas moins que le droit ne pourra pas tout et ne remplacera pas l’évolution des mœurs ainsi que les pratiques de nos concitoyens…

Une information judiciaire a été ouverte en juin 1997 et cette affaire de fraude électorale aura duré 11 ans avant d’être jugée. Tout en relevant des irrégularités graves et répétées ainsi que l’existence de faux électeurs, le Conseil Constitutionnel a cependant validé l’élection législative, en considérant que la manoeuvre en cause, aussi condamnable soit-elle, n’a pu inverser le résultat du scrutin. Cet avis a heurté des électeurs, lesquels se sont trouvés enclins à critiquer l’institution. Les débats à son endroit sont récurrents. Le Conseil Constitutionnel est-il une veille institution reposant sur un droit immobile, figé, dépassé, qui ne saisirait pas le fait que la politique puisse être de plus en plus évaluée en fonction de ses résultats et de son efficacité ? Difficile à croire ! Ou bien, cette institution sert-elle d’arbitre entre la majorité et l’opposition, induisant une plus grande moralisation de l’action politique ? Vous dites ? Serait-elle alors en passe d’être une institution progressiste, illustrant une lecture moderne de dispositions anciennes ? Franchement. Stéphane Rials et Michel Troper sont arrivés à la conclusion que « le Conseil constitutionnel est largement politisé, le choix de la norme de référence, l’interprétation qui en est donnée, l’étendue de la sanction sont des données dans la prise en compte desquelles le juge fait preuve d’un sens politique ». En fait, le Conseil Constitutionnel avait pour charge de vérifier le résultat du scrutin (1) et non les méthodes employées, lesquelles restent du ressort du Tribunal Correctionnel.

Les juges d’instruction entre temps changèrent, on ne sait trop pourquoi. Le Conseil Constitutionnel refusa de leur communiquer la liste des faux électeurs, n’étant sans doute pas très sûr de ses données et ne souffrant pas d’être contesté. Puis, les juges attendirent le réquisitoire du Parquet, lequel tarda également à se manifester. Les nouveaux juges d’instruction décidèrent alors de prendre une ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel sans plus attendre le réquisitoire du Parquet. Le Procureur général de la République, sérieusement pris à parti le premier jour de l’audience pour son laxisme, répondit qu’il fallait bien 18 mois pour rendre un réquisitoire et qu’il ne souhaitait pas se manifester la veille d’un scrutin pour ne pas fausser les élections. Or, la défense fit observer que les juges d’instruction auraient peut-être eu connaissance d’un réquisitoire officieux concluant à un non-lieu, ayant commis une « faute de frappe » dans leur ordonnance de renvoi ; les avocats de Tiberi insistèrent pour que le Procureur lâche la grappe, mettant même en cause sa probité, mais rien n’y fit.

Quelque soit le rendu du jugement, il est possible que l’une des parties fassent appel pour se retrouver finalement devant la Cour de Cassation, et d’ici là, Tiberi sera en fin de cycle électoral, tandis que son fils s’apprête à prendre la relève. En conclusion, le Conseil Constitutionnel et le Parquet firent perdre un temps précieux à l’Instruction. La réputation du Conseil Constitutionnel prit un sérieux coup dans l’aile. L’indépendance du Parquet, dont l’attitude est pour le moins troublante, reste au cœur de la polémique. La préservation des juges d’instruction du pouvoir politique n’est rendu que plus évident par cette affaire.

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