Le temps, la ville et l’urbaniste

28 avril 2009

Les trous noirs du livre blanc de Silicani

Publié par alias dans Administration

Tout le monde en parle, enfin presque, il suffit de lire la Gazette des communes, se rendre sur le site des CIG ou bien de parcourir les bibliographies des futurs énarques, « Le livre blanc sur l’avenir de la fonction publique » de Jean-Ludovic Silicani est devenu la « nouvelle bible » des fonctionnaires.

Selon le rapporteur, rien de semblable n’aurait été fait auparavant…enfin…presque, car cela consisterait à tirer un trait un peu trop rapide sur « la politique du renouveau du service public », inspirée du rapport de Patrick Viveret de 1989 sur l’évaluation des politiques et des actions publiques placée sous l’égide de Michel Rocard.

En somme, la fonction publique serait-elle née en 1990 ? Non, bien sûr que non, l’entreprise confuse que mena Anicet Le Pors (PC) est prise en compte, en long et en large, mais tout de même, de sérieuses impasses historiques, des sortes de « trous noirs » traversent ce rapport rédigé par ce conseiller d’Etat.

Des communistes aux libéraux, point de salut ?

L’auteur ne manquera pas de rappeler le poids que présente la fonction publique, près de 13,1% du PIB, c’est beaucoup, n’est-ce pas ? d’autant qu’il comparera la masse salariale des fonctionnaires français au regard de celle des fonctionnaires américains, japonais, italiens, canadiens…sans faire apparaître la situation des pays scandinaves. Il faudra attendre de lire bien plus loin dans une note de bas de page en police réduite que la Suède consacre près de 30% de son PIB à la production de biens et de services publics. Pourtant, même François Fillon (social-libéral) dans son ouvrage « La France peut supporter la vérité », aura tendance à vouloir échanger notre modèle « étatiste-conservateur » pour un modèle « social-démocrate ».

De plus, si le Conseiller d’Etat ne manquera pas de rappeler qu’au cours des 20 dernières années, l’emploi dans les trois fonctions publiques a augmenté de 24%, il ne dira pas en même temps que le ratio emploi public/emploi total est quant à lui resté quasiment stable (19% en 1984 / 21% en 2005 de l’emploi total). Ainsi, l’analyse est-elle tronquée.

En  prospective, l’auteur renvoie à une meilleure spécialisation des niveaux de collectivités territoriales, à la concentration de l’Etat sur un rôle régulateur, et au développement de l’externalisation de certaines tâches non essentielles…Cela ne casse donc pas trois pattes à un canard.

Le reste des propositions porte surtout sur la structuration en filières et cadres d’emploi, en favorisant l’utilisation d’un référentiel  »métiers » homogène, sans pour autant prétendre à une fonction publique ouverte à l’anglaise. La notre pourrait être mixte.

 

Pourquoi rédiger ce rapport aujourd’hui ? Jean-Ludovic Silicani expliquera la nécessaire mutation que doit engager la fonction publique…parce que tout simplement, le monde bouge. Donc bougeons !

Si cela vous intéresse, Pierre André Taguieff a écrit un excellent ouvrage sur ce sujet « Résister au bougisme, démocratie forte contre mondialisation techni-marchande ». Le philosophe dénonce le culte du changement pour le changement et l’impératif qui consiste à soumettre les institutions à des réformes perpétuelles.

Il ne s’agit pas de tomber dans l’extrême inverse qui serait une forme de conservatisme stérile, mais ces appels continus à la réforme donnent quelque peu le vertige. Imposés avec véhémence, le gouvernement gagnerait à se faire plus pédagogue. Nicolas Sarkozy surfera ainsi sur le thème de la rupture, tout comme les autres partis politiques lesquels incarnent tous, vous l’aurez sans doute remarqué, la didactique du « changement » : changeons d’ère, changeons l’Europe…

En réalité, le livre blanc de Silicani a été commandité suite à une très forte critique qui fut formulée à l’encontre de la mise en oeuvre de la RGPP. Le Président de la République avait mis un tel accent sur « les indicateurs de performance » et l’aspect comptable des politiques publiques, que les valeurs propres à la fonction publique avaient totalement disparues. 

Le Président communiqua donc sur un « changement de cap » visant à réhabiliter l’Etat…à condition qu’il ne soit plus le même… et Silicani fut mandaté pour lancer une vaste concertation sur « les valeurs, les missions et les métiers de la fonction publique » d’octobre 2007 à mars 2008 afin de donner  »sens » à la fonction publique.

Marcel Gauchet, que l’on ne suspectera pas de libéralisme, se verra confier l’animation d’une table ronde sur les « principes et les valeurs de la fonction publique » le 13 novembre 2007. Plus tard, Edouard Balladur travaillera sur la réforme des institutions puis des collectivités locales, car il faut bien occuper l’esprit des fonctionnaires et des élus ! 

Environ 7 millions de personnes occupent un emploi de service public en France au 31 décembre 2005, soit près de 28% de l’emploi total. Sur ces 7 millions, près de 5 millions occupent un emploi de service public administratif pour le  compte des personnes publiques, soit 21% de l’emploi total. Sur ces 5 millions, 75,4% sont fonctionnaires, 20,5% contractuels et 4% relèvent de régimes juridiques spécifiques. 49% appartiennent à la fonction publique d’Etat, 31% à la fonction publique territoriale, et 20% à la fonction publique hospitalière.

Un sondage IFOP réalisé en janvier 2008 auprès des fonctionnaires des trois fonctions publiques hiérarchisent les valeurs qui seraient les mieux incarnées aujourd’hui, et les valeurs que les fonctionnaires souhaiteraient voir se développer demain.

Actuellement figurent en tête de classement la compétence (41%), la laïcité (38%), la qualité (32%) et la responsabilité (31%). S’ensuivent l’égalité, la continuité, l’efficacité, le respect, la solidarité, l’impartialité, l’adaptabilité, la performance et la transparence.

Dans les valeurs à venir figurent en tête de classement l’efficacité (40%), la qualité (37%), la transparence (35%) et la compétence (30%). S’ensuivent le respect, l’égalité, la performance, la solidarité, l’adaptabilité, la responsabilité, l’impartialité, la continuité et la laïcité.

Ainsi la transparence, l’efficacité et la performance ont monté en grade ; par contre, la laïcité, la responsabilité et la continuité perdent de la valeur.

L’auteur propose de se référer à la devise républicaine (liberté, égalité, fraternité invitant à la neutralité, la laïcité, l’équité), aux principes du service public (continuité, égalité, adaptabilité) en y ajoutant des valeurs professionnelles (légalité, efficacité, performance, évaluation, responsabilité, qualité, transparence, autonomie, innovation, développement durable, probité, exemplarité…), ainsi qu’aux droits et obligations des fonctionnaires (obéissance hiérarchique et droit de retrait, liberté d’expression et réserve, transparence et secret), en y ajoutant des valeurs humaines (engagement, respect, sens de la solidarité…) ainsi que de nouvelles valeurs exogènes (lutte contre les discriminations, préservation de l’environnement).

Le rapport propose l’élaboration d’une « charte des valeurs du service public et de la fonction publique » sans lui conférer une portée normative.

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