Le temps, la ville et l’urbaniste

12 avril 2009

G20 Londonien : un bilan contrasté

Publié par alias dans Affaires européennes

Que penser de ce G20 du 3 avril 2009, dont l’enjeu consistait à poser les fondements d’une nouvelle architecture financière internationale ? Dans un précédent article intitulé «Société de défiance – société utopique », j’évoquais le projet de Jacques Attali dont une des pistes consistait à lancer un nouveau Bretton Woods visant à créer une monnaie unique mondiale (si possible européenne). Or, depuis, des voix se sont élevées pour demander un nouveau Bretton Woods, soulignant l’importance historique et symbolique de ces accords, lesquels pourraient alors garantir une certaine stabilité économique mondiale.

Petit retour historique : L’instabilité monétaire qui fut à l’origine de la crise de 29 était liée à la trop forte compétition des places financières. La crise boursière puis bancaire qui frappa alors les États-Unis provoqua l’explosion du système d’étalon change-or, si bien que chaque pays alla chercher son salut dans des mesures de protection nationale. Ce retour à un éventuel protectionnisme est pour l’heure de nouveau redouté.

A la sortie de la seconde guerre mondiale, les Alliés mirent au point un nouveau système permettant d’éviter d’une part, les secousses monétaires internationales qui avaient suivi la Première Guerre mondiale et d’autre part, les erreurs qui avaient transformé la crise de 1929 en grande dépression. Voici comment naquit le Fonds monétaire international.

Le FMI avait pour but de surveiller les politiques nationales pour vérifier qu’elles ne dérapent pas et d’intervenir en cas de crises de change pour fournir de la liquidité au pays concerné moyennant la mise en place d’une politique de redressement. Or les accords de Bretton Woods n’ont instauré aucun contrôle sur la quantité de dollars américains émis, ce qui provoqua une très forte inflation. Techniquement, c’est la République fédérale d’Allemagne qui mit fin aux accords de Bretton Woods.

Les demandes de remboursements des dollars excédentaires en or commencèrent. Les États-Unis ne voulant pas voir disparaître leur encaisse-or, suspendirent la convertibilité du dollar en or en 1971. Le système des taux de change fixes s’écroula définitivement en 1973 avec l’adoption du régime de changes flottants, c’est-à-dire qu’ils s’établissent en fonction des forces du marché, marquant la fin d’un système monétaire international organisé. La crise d’identité du FMI ne fera dès lors que s’accentuer.

Moins que le big bang espéré ou annoncé, le G20 fixa les grandes orientations d’une réforme du FMI et dans une moindre mesure de nouveaux principes en matière de régulation des acteurs financiers (3), une juxtaposition et limitation des politiques macroéconomiques actuelles malgré l’insistance des américains et l’intérêt que présentait un New Deal écologique (2), et un renforcement marginal des risques financiers systémiques essentiellement axés sur la lutte contre les paradis fiscaux sur lequel Nicolas Sarkozy avait souhaité attirer l’attention, sans pour autant modifier le fonctionnement des établissements off shore ou se donner les moyens d’apurer les actifs des banques (1).

Face à ce triple défi, la régulation, la relance et la réforme des institutions, le G20 aura permis un certain nombre d’avancées sans toutefois clarifier l’ensemble des doutes.

1 – La révision des règles financières 

Les Etats ont immédiatement réagi afin d’éviter l’effondrement du système financier, avant même de se préoccuper de relance ou de régulation. La France s’était fixé 4 priorités : la régulation des hedge funds, la lutte contre les centres financiers non coopératifs, la politique de rémunération des dirigeants bancaires et la réforme des règles comptables afin d’éviter toute protocyclicalité sur les marchés. Au-delà de l’évasion fiscale ou du blanchiment d’argent, les paradis fiscaux sont aussi des paradis réglementaires qui hébergent de nombreuses activités à risque, susceptible de déstabiliser le système financier international, si bien que l’OCDE fit établir une première liste noire en 2000. Les « standards de l’OCDE » eurent des effets relatifs faute de mesures de rétorsion. Terra Nova propose d’alourdir en conséquence la taxation des flux ou d’interdire aux établissements financiers d’avoir des filiales, centres offshore, dans les paradis fiscaux, lesquels hébergent pas moins de 4000 banques et 2,5 millions de sociétés financières (trusts..).

Le Sommet européen affirme que toutes les institutions financières d’importance systémique devront être régulées et surveillées de manière appropriée. Les hedge funds devront être enregistrés, les éléments hors bilan devront être affichés dans la transparence totale, les normes des agences de notation harmonisées. Face à une Amérique réticente, mais aussi le Luxembourg, l’Autriche, la Belgique et l’Angleterre, le plus difficile sera de s’accorder sur les règles claires et fortes permettant le contrôle de la part du groupe d’action financière internationale (GAFI) sur le blanchiment, comme du Forum de la stabilité financière (FSI) intervenant sur les centres financiers offshore dont bénéficient des entreprises telles que Total, Adidas, Michelin et les banques BNP Paribas, Crédit agricole, Société Générale, Banque populaires, Dexia et la banque postale…Les paradis représentent ainsi la moitié des activités internationales des banque en matière de finance patrimoniale.

Le dénouement des situations en pleine chute des marchés financiers entraînerait des pertes massives pour eux et pourrait participer à l’effondrement durable des marchés financiers, mais de là à ne pas traiter les paradis réglementaires! L’OCDE se contentera d’établir une seconde liste noire de paradis fiscaux – quelque peu aléatoire – afin de rétablir un début de confiance. Les 84 pays pris en défaut pourront sortir de la liste sous couvert de signer au moins 12 accords bilatéraux. Cette avancée, plus juridique que financière, est certes nécessaire, mais la crise actuelle est surtout celles des banques traditionnelles, dont les produits côtés AAA – donc sans risques – étaient issus des subprimes. La coordination des sauvetages bancaires semble oubliée. Cette crise est loin d’être finie : il reste de nombreux actifs toxiques. Faute de confiance, le circuit interbancaire reste paralysé et les banques se trouvent à court de liquidités. Les conséquences se font ressentir sur les investissements, la trésorerie des entreprises et la demande des consommateurs. Il faudrait restaurer les bilans bancaires afin de permettre le retour de la croissance.

2 – La relance économique 

La seconde responsabilité du G20 consistait à parvenir à coordonner les plans de relance nationaux, en évoquant l’intensité et la qualité des plans. Les Américains comptent sur les Européens pour « le partage du fardeau » et les inciteront à augmenter leur plan de relance. Le FMI plaidera pour une relance mondiale équivalente à 2% du PIB et insistera sur le respect des engagements pris dans le cadre des « objectifs du millénaire » lors du G8 de Gleneagles afin que les besoins des pays développés puissent être pris en compte. La banque mondiale redoute un risque protectionniste, susceptible de déclencher, comme dans les années 30, un mouvement dépressif. Les pays du G20 s’engagèrent en novembre afin de ne pas prendre de mesures restrictives au commerce mondial. Le cycle de Doha de l’OMC, suspendu depuis l’échec de la réunion de Genève de l’été dernier, devrait reprendre.

Lors du dernier Sommet européen, les Européens se sont opposés à s’engager dans un second plan de relance. Les Européens pourraient bien perdre 5% de PIB en 2009 et se positionnent davantage comme les passagers clandestins de la croissance, laissant aux Etats-Unis et aux pays asiatiques, Chine et Japon, la charge du fardeau. Le risque d’un retour à un protectionnisme larvé semble avoir été écarté, même si la banque mondiale a recensé plus de 47 mesures susceptibles d’affecter négativement les échanges, essentiellement des mesures anti-dumping ou des subventions discriminantes (ex. : secteur automobile en France). Ces mesures se trouvent davantage dans les pays émergents (Inde, Russie). L’OMC a prévu une baisse de 9% des flux commerciaux mondiaux en 2009.

Le G20 ne produira que des effets limités sur la relance économique en se limitant à consolider les plans nationaux (5000 MdS). Le Royaume Uni n’aura pas réussi à imposer un investissement massif dans les projets de réduction de gaz à effet de serre face au veto opposé par la Chine et les négociations environnementales ont été reportés en bloc à la conférence de Copenhague sur le changement climatique prévue en décembre 2009. Le consensus sera donc négatif et il n’y aura pas de New Deal Vert global. Toutefois, une enveloppe globale de 1100 MdS supplémentaire sera injectée via les institutions internationales, dont 100 MdS de prêts additionnels qui iront aux banques de développement dont la Banque mondiale, 250 MdS en direction du Commerce mondial sous forme de prêts aux exportations (en réalité 50 MdS) et 250 MdS de droits du tirage spéciaux afin d’augmenter les octrois de prêts. Le Fonds monétaire international sera doté de 500 MdS supplémentaire afin de participer au soutien de l’économie. Un pas vers le keynésianisme a pas été franchi avec la perspective d’une politique monétaire plus interventionniste (réduction des taux d’intérêt et légère inflation, sans pour autant créer de la monnaie).

3 – La réforme des institutions 

Le G20 est une instance de coordination intergouvernementale informelle, un talk shop politique sans pouvoir de décision juridique, encore moins de moyens de mise en œuvre. L’effort de régulation s’inscrit dans la continuité des réflexions menées lors du premier G20 de novembre, qu’il convenait de confirmer et préciser. L’Europe et l’Amérique du Sud y sont particulièrement attentives. La crise financière est d’abord une crise de la régulation, remettant en cause le modèle de Wall Street et le consensus de Washington donnant la primauté à l’auto-régulation du secteur financier et dans une certaine mesure, au primat des marchés sur le politique. La nouvelle doctrine d’action globale réhabilite le multilatéralisme, renforce la supervision financière et de régulation, soutient une relance équitable en doublant les aides aux pays pauvres et affiche une façade écologique.

Le sommet a acté la réforme du FMI crée suite aux accords de Bretton Woods en 1944, en augmentant ses moyens d’intervention de 250 à 500 MdS et en élargissant davantage ses organes dirigeants aux pays émergents. Le fonds demandait à être doté d’outils de surveillance du système financier international et d’être considéré comme un gendarme du risque financier systémique, une sorte de Ministère des finances mondial. Sa mission devrait en réalité plutôt être axée sur la coordination de la réflexion sur la régulation financière. Si ses ressources ont triplé, ses décisions ne se prennent pas à 20 mais à 185 pays. De même, succède au Forum de stabilité financière créé en 1999 suite à la crise asiatique, un conseil de stabilité financière doté d’un mandat renforcé. Les fonds spéculatifs seront insérés dans un cadre réglementaire prudentiel (immatriculation, gestion et contrôle), les règles comptables appliquées aux banques seront réformées (même si les USA procéderont sans concertation), les agences de notation renforceront leur contrôle, de nouvelles règles devraient concerner la rémunération de dirigeants, les paradis fiscaux sanctionnés…

Les avancées ont donc plus porté sur la régulation internationale que sur la coordination des plans de relance ou les moyens de résoudre la crise financière. L’assainissement du circuit de distribution du crédit n’a pas été traité, et de toute évidence, la leçon de la crise japonaise des années 1990 n’a pas été retenue. De même, la monnaie dollar continuera à bénéficier d’un privilège unilatéral depuis l’échec de Keynes devant White. La persistance des énormes déficits courants américains et britanniques d’un côté, face aux tout aussi excédents courants chinois de l’autres, persisteront tant qu’un nouveau mode de développement ne verra pas le jour. Enfin, la question de la légitimité est récurrente au sujet du G20, puisque celui-ci ne tire pas la sienne d’un traité international constitutif, et leur discussion n’engage que ses membres.

Conclusion 

Dans un monde utopique, Jacques Attali nous proposera la mise en place d’une démocratie mondiale à l’économie mondiale, une justice au marché, capable de limiter les profits des initiés, d’instaurer un partage équitable des risques, d’assurer une surpervision des exigences de liquidités, de limiter les marchés aux activités économiques réelles,  d’imposer une réduction de la dette aux pays sans épargne, de socialiser les agences de notation-supervision, de développer un système d’information accessible à tous et de soutenir les grands travaux et les PME destinés à réorienter la croissance à l’échelle mondiale. Les investissements à contre-cycles dans des activités non polluantes seraient financés par une taxe sur les émissions de GES. Le FMI regrouperait tous les pouvoirs de surveillance épars, et en attendant la constitution d’une véritable gouvernance mondiale dotée d’un parlement et d’un gouvernement. Comme nous pouvons le constater, il y a encore de la marge…

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