Le temps, la ville et l’urbaniste

1 avril 2009

Les enjeux de l’Europe au théâtre du rond-point

Publié par alias dans Affaires européennes

Je me suis rendue à un colloque sur le thème de l’Europe, organisé à l’initiative de Jacques Delors, ce 30 mars au théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées, un bien joli théâtre avec des grandes poutres apparentes en bois. Le panel des invités était particulièrement intéressant. Il y avait notamment l’Ambassadeur de la République tchèque en France. Et puis, Denis MacShane, ancien Ministre britannique des affaires européennes, à la personnalité enjouée. Jacques Delors devrait sortir un livre courant avril : « Investir dans l’Etat social », j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir. En attendant, voici trois points que j’ai retenus et qui mériteraient d’être approfondis : Le Cercle des économistes a identifié plusieurs formes de capitalisme et si rien n’est fait, l’Europe pourrait compter 24 millions de chômeurs au printemps 2010.Les relations bilatérales avec la Russie détentrice des ressources gazières interagissent avec les revendications légitimes d’indépendance de l’Ukraine et il se pourrait que la crise en Géorgie dégénére le 9 avril prochain.La ratification du traité de Lisbonne permettrait de renforcer le pouvoir communautaire du parlement européen.

1 – L’Union européenne face à la crise

Après avoir réussi à bâtir une Europe des marchés et une Europe monétaire, l’Union écononomique et financière reste à construire. Selon Tommaso Padoa-Shioppa, ancien Ministre des finances italien, les politiques vont de plus en plus vite mais agissent sans visibilité. Pour autant, le temps presse. Paul Rasmussen, Président du PSE, évalue à 24 millions le nombre de chômeurs en Europe au printemps 2010. Certaines économies sont particulièrement en difficulté. La Lituanie par exemple, a connu une progression de son PIB de 10% en 2007, mais pourrait bien connaître une chute de -10% de son PIB en 2009. La Hongrie est en faillite. L’Autriche, centre bancaire des nouveaux membres, ferme ses robinets. Il est pourtant nécessaire de faire couler les emprunts afin d’aider les pays de l’Est à supporter la crise si nous ne souhaitons pas voir surgir de nouvelles lignes de démarcation. S.E Pavel Fischer, Ambassadeur de la République tchèque en France, trouvera la potion un peu amère. Les pays fondateurs ont bénéficié de l’élargissement à l’est, en faisant fructifier leur hedge funds, ces oeufs d’or ; et il ne manquera pas de préciser la diversité culturelle des pays de l’Est que l’on considère à tort comme un bloc uni. Il ne parlera pas de la relocalisation des industries à l’ouest, mais de la crise d’approvisionnement du gaz. Jean-Hervé Lorenzi, Président du Cercle des économistes, prédira une baisse de 50% du taux directeur de la banque centrale européenne (il le sera de 25%), ainsi qu’une hausse du chômage trimestriel aux USA (+ 600 000 emplois). L’heure n’est pas à la refondation du capitalisme mais constituerait plutôt à mettre autour de la table toutes les formes de capitalismes existants, lesquels ne sont pas tous anglosaxons. Il existe par exemple un capitalisme autoritaire chinois. Si l’Europe va sans doute parvenir à surmonter sa crise de liquidité, elle devrait un peu moins s’intéresser aux taux d’inflation mais un peu plus à la valeur des actifs. La régulation financière verra toutefois le jour. Par contre, la difficulté tient à la coordination des plans de relance. L’Europe n’a pas bien évalué la crise, les plans sont insuffisants et se juxtaposent, au nom d’une soit disante spécificité nationale des systèmes productifs. La France souffre d’un déficit de compétitivité et sa population est relativement fragile. Il est nécessaire de lancer un grand emprunt européen afin de mettre en oeuvre la stratégie de Lisbonne, accès sur la recherche, l’innovation et  la société de la connaissance. Non sans humour, un intervenant dira que les banquiers au chômage pourront toujours se reconvertir en enseignants.  J’ajouterais ici que dans la mesure où le décret plafonnant les rémunérations des chefs d’entreprise ne concerneront pas les banques, il y a peu de chance que cela se produise, et les banquiers qui spéculent seront toujours bien mieux rémunérés que les banquiers dont le métier consiste à anticiper les risques.

Pierre Hassner de Science po rappelera que des pays frontaliers peuvent à la fois être rivaux, partenaires et adversaires ; l’important étant qu’il y ait des règles du jeux et qu’elles soient appliquées. Le fait que des banques européennes aient soutenu l’Ukraine dans la modernisation de ses gazoducs créa une tension avec la Russie. Cela marque le début de l’intégration de l’Ukraine dans le processus européen. Par contre, intégrer l’Ukraine et la Géorgie dans l’OTAN fut sans doute une maladresse diplomatique vis-à-vis de la  Russie. L’Europe arrive pour le moment à aider des pays au cas par cas, mais elle n’a pas une PESD définie. Les interventions militaires sont sans bénéfice politique. Joschka Fischer, ancien Ministre allemand des Affaires étrangères, prédit une potentielle guerre entre la Chine expansionniste et la Russie. La Russie a tout intérêt à s’allier avec l’Europe et l’Europe souhaite que l’Ukraine et les états biélorusses deviennent indépendants. L’Allemagne est accusée de jouer en solo. Ce n’est pas faux, elle a délaissé des intérêts gaziers et entretient donc des relations bilatérales avec la Russie pour s’approvisionner en gaz. Elle n’est pas la seule à agir de la sorte. Eneko Landaburu, Directeur général des affaires étrangères à la commission européenne, estime que la Russie se sent encerclée, ce qui peut expliquer sa réactivité. S’il est aisé d’avoir une mission militaire, il est actuellement plus difficile d’avoir une politique commune. Cela serait une erreur de croire en l’existence de conflits gelés, ils ont tous vifs. La crise en Géorgie avait été décelée mais rien n’a été fait pour la prévenir ; le 9 avril, elle risque de dégénérer. Denis MacShane, Ancien Ministre britannique des Affaires européennes, estime qu’à terme les franges de l’Europe pourraient atteindre l’Oural. L’Ukraine est désormais un état nation avec son identité démocratique. Toutefois, la construction de l’Europe ne peut se faire que sur une base fonctionnelle, elle a besoin d’avoir une vision politique.

3 – Le parlement européen, facteur de démocratisation

Les premières élections européennes au suffrage universel remontent à 1979. Joseph Borrell Fontelles, ancien Président du Parlement européen, estime qu’il s’agit de trouver un démos européen à la superstructure politique créée. L’Europe est actuellement incarnée par 27 pays, 23 langues, 150 partis politiques. Si 60% des lois sont d’origines européennes, un nouveau pouvoir, celui du tribunal de justice, apparaît. Sa jurisprudence n’est pas très démocratique et peut s’avérer dangereuse. Les compétences sociales sont restées du ressort des Etats, si bien que la perception qu’ont les citoyens européens de l’Europe est biaisée. Si le parlement n’a pas le pouvoir d’initiative, il peut influer sur les décisions et prendre indirectement ce droit (ex. directive Reach). Il n’en demeure pas moins que la ratification du traité de Lisbonne par l’ensemble des pays membres permettrait de mieux asseoir la légitimité du parlement. Pour le moment, la dynamique intergouvernementale a malheureusement pris le pas sur le communautaire. Le Parlement et la commission ne travaillent pas suffisamment de pair pour contrer le pouvoir du Conseil. L’Europe fonctionne sur un mode plutôt consensuel, elle manque de drama, ce qui explique en partie le manque d’intérêt des concitoyens. En repolitisant les instances, en rendant les députés indépendants de leur gouvernement (ex : ce qui aurait permis de ne pas adopter la directive retour), l’Europe gagnerait en intérêt. Evelyne Gebhardt, députée européenne chargée de la révision de la directive services, précisera que les parlementaires ont dans un certain nombre de domaines un pouvoir de codécision, ce qui est positif. Mais dans d’autres domaines (ex.: agriculture), les gouvernements décident seuls et à l’unanimité. Il manque également de grands médias européens, qui ne soient pas exclusivement britanniques. En travaillant moins vite, les députés peuvent aussi prendre le temps d’associer les citoyens. Pour le moment, la prise de conscience se fait de façon trop tardive, une fois que les directives doivent être transposées. Le traité de Lisbonne une fois ratifié permettra aux parlements nationaux de porter un droit de regard sur les textes avant leur adoption et participeront de la sorte à leur publicité. Aljoz Peterle, ancien Premier Ministre slovène constate qu’il ne suffit pas d’avoir des institutions fortes mais qu’il faut aussi développer un sentiment européen. Il estime qu’il faut en revenir à l’esprit des pères fondateurs. Guy Verhofstadt, ancien Premier Ministre belge, estime que grâce à l’euro, les pays européens sont mieux protégés face à la crise ; les eurosceptiques s’en rendent progressivement compte. Il manque toutefois des ressources propres à l’Europe. Selon lui, il ne peut y avoir de représentation sans taxation. Y consacrer 1% du PIB est insuffisant. Il propose de baisser les impôts nationaux et de créer des impôts européens. Il propose également la création de listes transnationales. Jean-Pierre Jouyet, ancien Secrétaire d’Etat des Affaires étrangères conclura sur le fait qu’en temps de crise, le conseil européen progresse quelque peu, et que le parlement reste  plus réactif que la commission.

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