24 mars : Prague vient de tomber à l’heure de l’Europe
Le fragile gouvernement eurosceptique de centre droit tchèque (ODS) de Mirek Topolanek a chuté le 24 mars après un vote de défiance à l’initiative de l’opposition de gauche menée par les sociaux-démocrates (CSSD) représentés par Jiri Paroubek, en pleine présidence tournante de l’Union européenne. La stabilité gouvernementale (parti démocrate civique ODS+chrétiens-démocrates KDU+Verts SZ) ne reposait que sur 96 des 200 députés de la chambre basse et dépendait du bon vouloir de 4 députés indépendants à chaque vote. Le 24 mars, deux ex-députés de centre droit et deux ex-députées vertes ont voté la motion avec l’opposition de gauche (101/200 votes en faveur de la motion de censure motivée par le fait que le Premier Ministre aurait voulu museler les médias afin de protéger un député social démocrate « allié» soupçonné d’abus et de biens sociaux de fonds européen). Le chef du gouvernement va devoir démissionner mais il pourrait toutefois rester en fonction pour gérer les affaires courantes jusqu’à la fin de la présidence semestrielle de l’UE fin juin. Leur constitution ne fixe en effet aucun délai. Le Premier Ministre libéral a de plus déclaré qu’il demandera au Président ultra-libéral sa reconduction. Des élections législatives anticipées ne sont pas à exclure.
Les votes de défiances sont relativement courants en République tchèque depuis janvier 2007 (4). Suite aux élections sénatoriales du 25 octobre dernier, le parti social démocrate avait déjà déposé une motion de censure afin de faire tomber le gouvernement tout en appelant à des élections législatives anticipées. Il semblerait que le premier ministre ne soit pas franchement favorable à la ratification du traité de Lisbonne, et un peu trop enclin à collaborer en direct avec Washington. Le Premier Ministre avait toutefois réussi à convaincre les députés à temporiser afin de ne pas pénaliser la future présidence européenne tchèque prévue au 1er janvier 2009. Mais il faut aussi dire que la présidence européenne suivait le renouvellement prévu des cadres de son parti (congrès en décembre dernier). Toutes les espérances des majors libéraux n’ont pas été comblées, tout du moins, certainement pas des deux ex-députés de centre droit qui ont voté la motion de censure. Le Maire de Prague, un libéral proche du Président, se pose également en concurrent au sein de l’ODS. Quant aux Verts (Martin Bursik, Ministre de l’environnement), visiblement divisés, leur ralliement à un gouvernement eurosceptique de droite est pour le moins troublant. Est-ce le fait d’un pays au passé trop chargé ?
Ce n’est pas non plus la première fois qu’un gouvernement change en pleine présidence (Danemark en 93, France en 95, Italie en 96). Seulement, la conjoncture économique fait que cette situation prend une tournure plutôt inquiétante. Après la Lettonie et la Hongrie, la République tchèque est le troisième pays d’Europe de l’Est à voir son gouvernement tomber. Privé de confiance, le gouvernement tchèque aura des difficultés à assurer son leadership. Certes, les Tchèques ne semblent pas avoir fait preuve d’un engouement pro européen considérable, et l’on retiendra pour le moment de cette présidence l’intervention dans la guerre du gaz Russie-Ukraine. Le Président conservateur Vaclav Klaus est réputé europhobe, et le Ministre Tchèque semble davantage motivé par le sommet spécial UE-USA prévu le 5 avril à Prague portant sur l’Afghanistan et les relations avec les Etats-Unis. Il faut aussi reconnaître que les pays européens ont leur part de responsabilité. Après avoir délocalisé une partie de leur production, notamment automobile (1/5 de l’industrie – le pays de 10 millions d’habitants compte 5% de chômeurs), les industriels rapatrieraient leur production aux dires du Monde, les banques occidentales prêtent moins et les créanciers sont étranglés. A l’heure où se profile le sommet du G20 du 2 avril à Londres, arriver à coordonner les plans de relance des 27 pays européens avec les Etats-Unis ne serait pas du luxe. Cela nécessite un minimum de solidarité. Les Européens insistent également pour que le processus de ratification du traité de Lisbonne à Prague, et la négociation des garanties promises à l’Irlande en vu d’un second référendum, ne soient pas entravés par la chute du gouvernement tchèque.
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