Le temps, la ville et l’urbaniste

26 mars 2009

Profits/Salaires : quel partage de la valeur ajoutée ?

Publié par alias dans Economie & clusters

Concernant le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits, j’ai pu lire tout et son contraire. Les fortes variations enregistrées au cours des trente dernières années (la bosse de 1975-1985) laissent toutefois entrevoir une modification durable des mécanismes de partage.

Remontons à présent le temps : Il semblerait que le taux de marge, c’est-à-dire la part de la rémunération du capital dans la valeur ajoutée, ait fortement baissé de 1970 à 1982 (45 à 37%) et sous l’effet de l’indexation des salaires, le salaire réel progressa beaucoup plus rapidement que la productivité marginale du travail. Les gains de productivité du modèle fordiste étaient relativement élevés.

Suite aux deux chocs pétroliers, il s’en suivit une très forte inflation. A partir du milieu des années 1980, la mise en place de politiques de désinflation pèsera en faveur d’une « modération » salariale. Le taux de marge se retrouvera en 1990 au niveau de 1973 et le partage de la valeur ajoutée se déforma au détriment des salariés. Ainsi, le salaire réel augmenta moins vite que la productivité. Cette transition correspond à une rupture dans les rapports de force sociaux.

De 1990 jusqu’à 2005, la période est marquée par une stabilisation de la part du capital dans la valeur ajoutée (31%) et du partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits. Cela semble surprenant d’autant que l’on entend souvent que les profits du capital ne cessent d’augmenter au détriment des salaires, mais les chiffres sont là pour démontrer le contraire.

Les évolutions globales cachent cependant des fortes disparités sectorielles. Les revenus des salariés du secteur industriel ont particulièrement été affectés dans les années 1980 et la tertiarisation croissante de l’économie contribuera mécaniquement à accroître la part des profits dans la valeur ajoutée. En effet, la part des profits dans la valeur ajoutée est structurellement plus élevée dans les services.

En juillet 2008, le débat sur le partage de la valeur ajoutée prit soudainement une nouvelle ampleur.  

Une étude de l’INSEE de Gérard Bouvier et Charles Pilarski confirma l’analyse : le taux de profit est en baisse tendancielle depuis 1949, la désinflation compétitive des années 1980 permit de rétablir le taux de marge et depuis, la part des salaires se maintient.

Cette analyse fut toutefois critiquée par Michel Husson, lequel rédigea pour le compte de l’IRES « la véritable histoire de la part salariale » en juillet 2008. Michel Husson remet en cause la méthodologie suivie par l’INSEE, en s’appuyant sur les travaux de la Banque des règlements internationaux, du FMI et de la Commission Européenne, lesquels constatent une dégradation de la part des salaires dans la valeur ajoutée en faveur des taux de marge dans plusieurs pays de l’OCDE. L’INSEE aurait introduit un biais relatif à l’inclusion des « mauvais » résultats des entreprises individuelles dans le calcul des marges des sociétés non financières. Il constate que la part salariale aurait diminué de 8,6 points par rapport à 1982, ce qui représente par rapport au PIB de 2007, 164 milliards d’euros.

A la différence de Michel Husson, Denis Clerc, membre de la commission Hirsch sur le RSA, conclut à une relative stabilité de la part des salaires dans la valeur ajoutée en France. Alors, qui croire ?

Une note du FMI  d’avril 2007 étaye l’argumentation de Michel Husson : « la part des salaires dans les pays développés à baissé en moyenne d’environ 7 points depuis depuis le début des années 1980, ce recul étant plus marqué dans les pays européens. ». La Commission européenne dresse un constat similaire dans son rapport sur l’emploi en Europe de 2007. Mais en regardant de plus près, si les pays du nord tels que la Suède, Belgique, Pays-Bas et Danemark connaissent une baisse de deux à trois points de la part des salaires dans la VA, allant même jusqu’à 8 à 9 points pour l’Allemagne, l’Autriche et la Finlande ; les pays du sud tels que l’Italie, l’Espagne, le Portugal connaissent une hausse ou une stabilisation sur la période étudiée 1987-2006. Les études montrent que la France est caractérisée par une stabilité.

Ainsi, les pays les plus exportateurs auraient tendance à vouloir maintenir une compétitivité/prix en diminuant la part des salaires. Certains diront qu’une culture de la négociation, une meilleure protection sociale et une part importante d’emplois publics servant d’amortisseur social, rendrait les salariés plus enclins à accepter de tels compromis.

***

Toujours est-il que cela n’explique pas pourquoi les Français seraient portés à croire que la part de leur salaire dans la valeur ajoutée diminue alors que les études montrent qu’elle est actuellement stable, même si structurellement du fait d’un essor des métiers de service, cette répartition sera amenée à être bouleversée à leur désavantage.

Sans doute est-ce dû au climat social, une morosité ambiante exprimant une inquiétude compréhensible devant l’avenir. Qui plus est, le débat portant sur la réparation du capital des entreprises entre dividendes et investissement, s’est médiatiquement déplacé sur un autre débat dividendes/salaires. Or, si les dividendes des actionnaires augmentent au détriment des capacités d’investissement des entreprises, les dividendes ne ponctionnent pas la part salariale, laquelle reste stable en France (et que l’on peut toujours vouloir modifier, bien sûr, tout comme limiter les trop grands écarts de salaires). 

L’impression éprouvée d’une baisse relative des salaires n’est toutefois pas qu’un mythe. Il semblerait qu’au cours des huit dernières années, près de 2 points de la valeur ajoutée aient glissé des salaires nets aux prélèvements sociaux. La CSG et la CRS sont juridiquement des impôts sur le revenu et n’apparaissent pas au titre des cotisations sociales dans la comptabilité nationale. Objectivement, cela s’est traduit, en moyenne, par une baisse de 4,2% des revenus des salaires.

Autre élément à prendre en compte : les 35 heures. Les gains de productivité se sont traduits par une réduction/pressurisation du temps de travail et des embauches compensatrices (300 000 salariés), plutôt que par une augmentation du pouvoir d’achat (hors harmonisation et réévaluation du smic).

Et pour conclure, il est fort probable qu’à l’avenir, la part des salaires sur les profits aille cette fois-ci, pour des raisons structurelles, réellement en diminuant suivant les pays nordiques. Reste à réfréner les dividendes, stock-options et parachutes dorés.

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