Réguler les régulateurs financiers
La note de Convictions sur les régulateurs financiers traitera directement de la dichotomie entre régulation sectorielle étatique (forte et technocratique) et régulation prudentielle internationale (faible et consensuelle). Les écarts de réglementation permettraient aux opérateurs privés (affaires Kerviel, Madoff, Enron) de pratiquer des stratégies d’évitement (persistance de trous dont profitent les passagers clandestins, système des captures lorsque les opérateurs s’autocontrôlent, sanctions uniquement a posteriori lorsque la mission prudentielle est insuffisante). Toutefois, je vous propose ici de résumer la note de Stefan Fouché pour Terra Nova, afin d’expliciter le rôle joué par les régulateurs financiers et les propositions de réformes en cours. Ainsi, les régulateurs sont censés remplir des missions prudentielle, de surveillance et de sanction des marchés, des banques ou des assurances. L’éclatement des régulateurs, la faiblesse de leurs moyens, l’absence de coordination de leurs activités tant au niveau national, européen et international, imposent une nouvelle architecture institutionnelle qui peine à prendre corps. De plus, le principe d’autorégulation, dans sa dimension « évaluation des risques », peut conduire à une certaine forme de dérégulation. Il faut donc revoir les lignes de partage entre autorégulation et régulation publique (ex. : reconsidérer les marges des établissements bancaires) et se donner les moyens d’imposer des prescriptions impératives.
La France dispose d’un régulateur par secteur : l’Autorité des marchés financiers (marché), la Commission bancaire (banque), l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (assurance). Dans son rapport annuel 2009, la Cour des comptes dénonça un dispositif trop fragmenté et cloisonné, aux statuts hétéroclites. Toutefois, une instance de coordination existe. Le code monétaire et financier a institué un collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier (CACES) chargé de fluidifier l’information entre les secteurs. Cette instance collégiale pourrait être renforcée dans un premier temps. La France pourrait ensuite faire le choix d’une autorité de contrôle unique dotée d’un mandat clair et de réels moyens. Des rapprochements entre le secteur bancaire et le secteur assurantiel sont actuellement en cours. Par ailleurs, le groupe de travail « réforme du système financier international », mis en place par l’Assemblée nationale et le Sénat, propose de passer d’un modèle structuré par catégorie de marchés ou type d’acteur financier (marchés, banques, assurances) à un modèle reposant sur la nature des risques : la protection contre les risques systémiques, la défense de l’intégrité des marchés, la sauvegarde des intérêts des investisseurs.
En Europe, les systèmes nationaux se livrent à une concurrence exacerbée au sein des multiples places financières (Londres, Paris et Francfort) afin d’attirer les investisseurs étrangers, au risque d’affaiblir leur capacité d’action. Si bien que les Etats membres seront appelés à se prononcer en faveur du maintien de leurs régulateurs nationaux ou opter pour des régulateurs transnationaux. Le processus de Lamfalussy permettra l’installation de trois comités de régulateurs nationaux sectoriels bien que sans pouvoir contraignant (CESR marché, CEBS banque, CEIOPS assurance). L’adoption de la directive Marchés d’instruments financiers (MIF) du 21 avril 2004 fut d’ailleurs controversée : Certains évoquant un processus de dérégulation. Ces comités pourraient alors à terme fusionner et être adossés à la Banque centrale européenne, ce qui nécessitera l’accord des 27 membres de l’union européenne. La note ne précise pas s’il sera question d’un nouveau modèle reposant sur la nature des risques ?
Au niveau mondial, au-delà du comité de Bâle et du G20, certains, dont le Président de l’Organisation mondiale du commerce, plaident pour la création d’un régulateur des marchés international adossé au Fonds monétaire international (FMI), ce qui nécessiterait l’accord de toutes les parties prenantes. La proposition étant difficile à mettre en œuvre dans l’immédiat, le Forum de stabilité financière (FSF) suggérera une formule plus souple : la création d’un collège international des régulateurs adossé au FMI. Préconisée en avril 2008, son application a pris du retard et ce futur collège aurait besoin d’outils contraignants.
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