Les socialistes sont-ils verts ?
J’éteignis la radio. Il me restait juste le temps de me préparer pour me rendre à une réunion du pôle écologique organisée à l’Assemblée Nationale, poussée par le désir de savoir où en était leur réflexion. Je partais du postulat de départ que tout parti finit un jour ou l’autre par s’institutionnaliser et par reproduire les schèmes dominants. Aucun élu accédant au pouvoir n’a intérêt à bouleverser les équilibres et à véritablement réformer en profondeur son propre parti. ll faudrait que la crise soit bien sévère pour que le changement se réalise, qu’il émane des militants de base ou d’une insoutenable pression extérieure. Je fondais cependant quelques espoirs dans l’union de la gauche : notre système démocratique pourrait en sortir consolidé sous couvert qu’il y ait un réel effort de clarification.
Les socialistes, réunis ce week-end au sein du pôle écologique, se sont dits confrontés à une perte de sens, à des partenaires affaiblis ainsi qu’aux effets collatéraux du rapport Attali. Objectif annoncé : Réviser la déclaration de principe du parti socialiste afin d’engager la cinquième grande révolution de cette lourde machine. La présence d’Alain Bergounioux atteste du sérieux de la démarche. Il ne s’agit pas d’une énième réunion de militants férus de petites fleurs et de poissons rouges, mais bien d’intégrer la dimension écologique dans toutes les composantes du parti socialiste. L’orateur survole leurs grandes dates constitutives : 1905 (naissance du parti), 1945 (bilan après guerre), 1969 (SFIO), 1990 (internationalisation) et 2008 (développement durable). Pour ce qui est de la méthode, les militants devront s’exprimer sur la nouvelle déclaration de principe qui leur sera proposée lors de la convention courant juin 2008. Après une première réunion du pôle du 12 février, cette deuxième journée préparatoire organisée le 12 avril est historique. Le temps presse, le bureau national se positionnera sur le premier jet le 28 avril.
Avant d’être en capacité d’intégrer la dimension environnementale, les socialistes du pôle écologique en viennent à se demander s’ils sont encore socialistes ? Ils estiment avoir délaissé la dimension sociale, ce qui a déclenché la perte de confiance de l’électeur. La question sociétale et la parole des femmes apparaît comme étant la grande absente de la pensée contemporaine : comment gérer les modes de vie, la question du temps. Les humains ne sont pas plus heureux qu’avant. Cela tiendrait au paradoxe de l’accoutumance des biens ainsi qu’au paradoxe du tunnel, où la voiture de chacun avancerait au même rythme (l’image est peu heureuse). Il ne s’agirait donc pas tant de promouvoir le développement durable mais plutôt une société durable, une autre forme de progrès. Ce parti, traversé par une crise temporelle, se cherche, pense devoir accélérer sa mutation. Celle-ci sera sans doute plus réformiste que révolutionnaire, alors que certains s’impatientent déjà.
S’ensuit un soupir poussé de Bettina Laville, la seule femme invitée à la tribune. Enfin, elle se lance et déclare la proposition statutaire beaucoup trop provocatrice « le parti socialiste est un parti écologiste : ceci est faux, tant sur le fond que sur la forme ! L’homme n’est pas une espèce parmi d’autres ». Ainsi conditionner la survie de l’humanité à la préservation de la biodiversité sur Terre est jugé trop vert pour être socialiste. «L’homme est un être supérieur et ne peut dépendre des êtres vivants inférieurs.» Les socialistes ne seraient donc pas prêts ? De plus, il leur faudra dépasser les querelles de chapelles/écuries. Le pire à venir, selon le député Caresche, serait d’obtenir un simple verdissement apparent, un faux semblant de consensus. L’exigence minimale attendue par les participants est l’intégration du principe de précaution, et donc du débat démocratique dans les politiques. Sans reconnaissance de ces bases principielles, il n’y aura pas de réforme statutaire possible.
Ce sont peut-être les catégories qui ne valent plus (« socialiste », « écologiste »…). A quand la grande synthèse?
Au préalable, sans doute faudrait-il que les clubs de reflexion internes au parti socialiste se fédérent. Je parle évidemment d’utopia, de socialecologie, de la commission développement durable et du pôle écologique. A noter que Daniel Cohn-Bendit et Pierre Radanne ont rejoint Terra Nova (c’est officialisé sur le site).
Et pourquoi tous ces groupes : une affaire de photo synthèse ? C’est moins cynique que cela – chaque groupe à tendance à se créer des contre-pouvoirs internes – plutôt un manque d’organisation. Une somme de petits pois verts-roses pourra-t-elle donner jour à un haricot magique ? c’est une bonne question.