Le temps, la ville et l’urbaniste

6 février 2009

Du bon usage du fonctionnaire

Publié par alias dans Administration

Se profilait à l’horizon l’assemblée générale du réseau national de collaborateurs que je co-animais. Nous avions prévu de travailler en étroite relation avec le Cercle des Maires, dont la prochaine réunion porterait sur la gestion des ressources humaines. Il nous fallait donc préparer ce chantier en déblayant les grandes lignes.

Julien ouvrit la discussion sur la liste des collaborateurs «  Prenez le contre exemple d’une collectivité qui se lance dans un processus de dématérialisation avant même de s’assurer de la capacité de charge de son réseau, de la performance de ses outils informatiques ni même des compétences humaines de la direction des moyens généraux. L’intention pourrait paraître de prime abord exemplaire, mais la réflexion n’étant pas systémique, la collectivité court le risque d’une paralysie réelle de son fonctionnement. »

Olivier me fit remarquer en lisant par-dessus mon épaule  que la fonction publique subissait de plus en plus mauvaise presse, en passant non seulement pour budgétivore mais aussi pour une espèce particulièrement vorace de termites, grands destructeurs de forêts et d’espaces verts ! Aux fausses bonnes solutions de la radicalité, trouvons plutôt le délicat compromis entre l’application de la règle et les techniques de management. Depuis que Michel Crozier écrivit que « l’on ne change pas une société par décret », il sera attendu des légistes de s’adapter peu à peu au management.

Pour pallier aux éventuelles défaillances internes, l’impatience des élus les amenait encore récemment à choisir l’option de facilité, à privilégier la solution à court terme en ayant recours au secteur privé. Mais confrontées à la récession économique, surenchérie par un retrait de l’Etat, les recettes des collectivités sont désormais en berne et les managers font la moue. Paradoxalement, la crise économique devrait contraindre les élus, soucieux de respecter leur engagement de ma mandature, à rechercher des solutions en interne, en les rendant plus attentifs à  la fois à leur gestion du personnel et aux règles du droit administratif (entre autres…). Et lorsque le mot d’ordre revient à la réduction des charges de fonctionnement dont la masse salariale représente près de 50%, les élus misent sur les départs à la retraite (non remplacement d’un agent sur trois) pour opérer des redéploiements dans les services. 

Or anticiper les départs n’est pas suffisant s’il n’y a pas d’articulation avec le projet politique. Certes, les centres interdépartementaux de gestion et le CNFPT accompagnent partiellement les collectivités territoriales qui le souhaitent sur le plan administratif, mais ces redéploiements devraient s’appuyer sur une vision prospective à moyen et long terme, avec à la clef, un plan de formation adapté. Dans une situation économiquement et socialement tendue, le laisser-faire serait sans doute la pire des options, il laisserait la porte ouverte à l’arbitraire. Lors d’une mise à disposition auprès de la mission de la médiation, j’avais eu l’occasion de consulter l’ensemble des dossiers litigieux internes à la Ville, dont ceux du personnel, respectant un devoir de secret professionnel en contrepartie. De cet arbitraire peuvent découler des situations abusives (harcèlement, abus de pouvoir) et leurs corollaires, la déresponsabilisation (infantilisme) et le désengagement des agents (absentéisme). C’est alors que la mise en place d’une gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences revêt un aspect très important pour la conduite de projets. 

Je révisai mon emploi du temps puis réglai mon réveil sur 6h du matin afin de pouvoir me rendre à un petit déjeuner de l’emploi territorial organisé le Centre interdépartemental de gestion de la petite couronne situé à Pantin. Signe positif, étaient présents de très nombreux élus aux ressources humaines accompagnés de leur directeur. Le sujet manifestement intéressait, un juge spécialisé en droit administratif se tenait à la tribune, ceux sont souvent les plus intéressants, surtout lorsqu’ils sont Conseillers d’Etat. Le débat porte sur l’Europe. Dans les trois années à venir, 80% du droit applicable à la gestion du personnel dans les collectivités territoriales sera d’origine communautaire. C’est ainsi que de part la création d’une citoyenneté européenne, impliquant la libre circulation des travailleurs et la non discrimination en fonction de la nationalité, la place du concours sera progressivement remis en cause (1) comme mode exclusif de recrutement, selon le modèle américain d’une fonction publique ouverte (2). La possibilité pour des organes communautaires d’édicter des règles de droit d’application directe (immédiate et aux effets rétroactifs sur les recrutements réalisés) conduit à une intégration juridique très poussée et pas toujours maîtrisée par l’administration. Il incombe aux DRH d’assurer une veille de la jurisprudence communautaire. 

(1) Arrêt CJCE du 9 septembre 2003 Burbaud contre France, C-285/01. 

(2) L’ouverture facilite les passages entre les secteurs privé et public ainsi qu’une politisation de la fonction publique. En France, le PACTE créé en 2006 est un dispositif relativement proche de l’apprentissage, certains recrutement sans concours sont déjà ouverts sur des fonctions d’exécution depuis le 2 février 2007. L’avant de projet de loi sur la mobilité et les parcours professionnels dans la fonction publique déposé en première lecture devant le Sénat le 29 avril 2008 préconise le recours à l’intérim et le livre Blanc sur l’avenir de la fonction publique de Jean Ludovic Silicani propose d’introduire des contrats de droit privé.

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